Conférence faite à l'IRTS de Montrouge le 13 mars 2015 dans les cadres des Universités de la petite enfance
"Nature et poésie: l'émerveillement chez l'enfant." "L'enfant s'humanise lorsqu'il découvre la nature. Il rencontre le vivant." Ce n’est pas facile d’être un enfant. Mais la vie, celle qui entoure l’enfant et celle qu’il a en lui, a mis à sa disposition des possibilités multiples pour grandir. Je vais commencer en partageant avec vous un fait habituel, qui n’a rien d’exceptionnel, un fait que tout le monde ici a pu vivre d’une manière ou d’un autre :Nous sommes, à la fin de la première semaine du mois de septembre, il est midi. Je reviens de l’école maternelle avec deux petits, la petite fille a 3 ans et demi et son frère bientôt 5 ans. Nous pénétrons dans le parc de leur immeuble, je suis quelque peu perdue dans mes pensées et j’entends : Oh c’est beau !… Je vois les deux petits en admiration devant un buisson recouvert de volubilis violets foncé, impressionnés par l’intensité de la couleur de ces multiples petites trompettes qui recouvrent la verdure. Tournées vers le soleil elles vibrent. Ils sont éblouis. Ils m’invitent à partager leur découverte et la joie qu’elle provoque, je le vois dans leurs gestes et le recul qu’ils ont pour me laisser la place. Et nous voici tous les trois en admiration devant ce buisson banal, à côté duquel nous passons régulièrement. Mais cette fois-ci les enfants se sont s’arrêté d’eux-mêmes et l’ont admiré. Alors pourquoi aujourd’hui les petits ont vu la beauté des petites fleurs ? Au cœur d’interactions diverses, qui les ont amené à s’arrêter et à sublimer le banal. On peut supposer qu’un jour quelqu’un leur a dit de les regarder, je ne sais. La beauté de la nature ne s’impose pas, elle est là, comme si elle attendait qu’on la voie. On pourrait croire que ce qui a rendu la couleur de ces fleurs, plus intenses et présentes, ne serait-ce parce qu’elles ont étés vues ? Nous sommes là, tous les trois, dans une même sphère extraordinaire, devant un buisson bien ordinaire. La rencontre s’est faite. Le temps s’arrête et nous sommes émerveillés. Qu’est-ce que l’émerveillement ? C’est un « heureux étonnement », celui qui est à la naissance de la philosophie et qui est à la base de la recherche. C’est une générosité de l’esprit, une vitalité curieuse liée à de la jouissance. L’émerveillement conduit à une ouverture et une connaissance du monde. Notre destin n’est-il pas la connaissance de celui-ci ? C’est plus que de la curiosité intellectuelle. L’enfant intègre les connaissances par les sentiments. Sans cela son esprit s’étiole et déçu il devient un adulte insatisfait. (R. Steiner) (Entre nous il n’y a pas que le petit enfant : n’avons-nous pas dans notre passé scolaire un prof que nous avons aimé, qui nous a fait aimer son enseignement ?) En plus de l’ouverture vers le monde, que provoque l’émerveillement, il vient au cœur de l’enfant la gratitude. Un désir de dire merci… à quelqu’un ? À la vie ? À la nature ? L’enfant va ainsi devenir plus fort. A contrario des insatisfaits inconditionnels, des « jamais contents », de ceux « avec qui ça ne va jamais marcher » et qui sont des proies pour ceux qui veulent des dominer. C’est ainsi que l’acquisition des connaissances est une histoire d’amour Par l’émerveillement et la gratitude l’enfant va s’ouvrir au monde et l’aimer. Il va grandir ! Mais il y a aussi la peur en face de la nature est quelque fois bruyante, violente et inquiétante. Si nous retournons auprès du buisson de volubilis, il doit y avoir toutes ces petites bêtes dans la terre qui courent et les vers de terre si précieux pour aérer la terre peuvent provoquer de la répulsion. Elle est là, la peur, depuis toujours dans la vie de l'enfant à partir du moment il construit son espace de liberté, sortant de la symbiose avec sa mère. La peur l’accompagne lors des contacts avec l'inconnu, l'inattendu et l’incompréhensible. Il vit tellement de première fois. Je ne parle pas ici de la grande peur insidieuse et dans la durée, qui l’envahit, mais celle qui est là discrète et suffisante pour être stimulante et pour amener l'enfant au-delà de lui-même. Elle est derrière ses questions, son désir de découvrir, ses élans vers l'extérieur et une connaissance de lui-même. Son temps alterne entre moments d'élans vers tout ce qui fait la vie ; et des moments de peurs et de reculs. La réassurance par la connaissance qui suit ces moments de peur, le construit. Entre la peur d'apprendre et la jouissance de la découverte l'enfant avance, il grandit, il se libère peu à peu de son ignorance. Alors…Pourquoi le contact avec la nature ? Que peut-elle apporter de plus que le contact avec un objet fabriqué, en plastique ou autre matière factice ou avec le virtuel ? Nous voyons de si beaux coucher de soleil sur notre ordinateur ou même de jolies fleurs « plus vraies que nature ! » Par ce que les enfants et nous-mêmes sommes de la même essence que la nature. Tout comme la nature nous sommes animés par un principe vital. L’’origine s’exprime par ce petit texte d’un astrophysicien américain : Trinh Xuan Than « Nous savons aujourd'hui que nous sommes tous faits d'atomes fabriqués lors de l'explosion primordiale d'abord et lors de l'alchimie nucléaire des étoiles ensuite.[…] Les atomes d'hydrogène dans l'eau des océans ou dans notre corps proviennent tous de cette soupe primordiale. Nous partageons tous une même généalogie cosmique qui remonte à 13,7 milliards d'années, l'âge de l'univers. Quant aux éléments lourds essentiels à la complexité et à l'émergence de la vie et de la conscience et qui constituent les 2 % restants, ils ont été fabriqués dans les creusets stellaires et les supernovae, morts explosives d'étoiles massives. Nous sommes tous faits de poussières d'étoiles. (nous dit aussi Hubert Rives) Frères des bêtes sauvages et cousins des fleurs des champs, nous portons tous en nous l'histoire cosmique. » Il y a donc une osmose harmonieuse entre les enfants et la nature. Les forces vives qui sont dans l’enfant sont celles de la nature. La métamorphose lorsqu’un enfant grandit est la même. Ce n’est pas tant par stades que par mouvements de changement, La circulation de la sève et la circulation du sang sont du même mouvement. La respiration de l’enfant est semblable à l’échange de la plante avec l’air : la photosynthèse. Donc tout élément de la nature, les plantes, l’eau, la terre, le bois, les pierres, la lumière du ciel et ses modification a un effet unique, irremplaçable, sur l’enfant (et sur nous-mêmes !). Toucher et peser des galets, construire un bonhomme avec des pommes de pin, écouter le bruissement des feuilles, fabriquer une pipe avec un petit bâtonnet et une coque créent de la joie chez l’enfant! Je suis sûr que vous l’avez vu. Alors…Vous allez semer des graines de volubilis (ou autre) avec les enfants !?C’est la bonne époque. J’imagine que certaines parmi vous l’on déjà fait ! Evidemment vous n’allez pas les semer dans du coton pour que ça aille plus vite. La terre est là elle attend, Les enfants aussi vont attendre. Combien de fois lui dit-on « d’attendre », cette fois-ci c’est la terre qui le dit. Au bout de quelques jours…C’est la surprise ! Ces petites choses si fragiles qui sortent avec leur petit chapeau de terre, elles ont dû pousser très fort. Les enfants prennent conscience qu’une disparition et, même, une impression de perte, peuvent aboutir à un jaillissement de la vie Nous sommes là en face de la force de la fragilité. Les enfants peuvent s’identifier. Quel est cet invisible qui est à l’origine de cette poussée ? Quelque chose qui s’est passé dans l’obscurité de la terre, avant que la petite pousse se soit levée vers la lumière. Les enfants le « savent », ils sont prêts à croire que quelque chose est là. La pousse a des besoins, il faut en prendre soin, lui donner de l’eau, de la lumière, mais pas trop, et L’enfant apprend le sens de la mesure. Il faut respecter son rythme, ne pas vouloir aller trop vite. Et L’enfant va remplacer son impatience par la confiance. Chaque enfant adopte une pousse et c’est le rendez-vous régulier, L’enfant se découvre responsable. C’est l’apprentissage de l’amour lié à la connaissance. Les unes poussent plus vite que d’autres. C’est comme ça ! et peut-être que la petite pousse sera la plus forte plus tard, car nous allons bien prendre soin d’elle. Ou bien d’elle- même elle va reprendre des forces. Et un jour elles vont nous offrir une fleur…Les enfants découvrirons qu’elles ne s’ouvrent que lorsque le soleil est là.
Lorsque l’enfant manipule c’est avec ses mains, son cœur et son intelligence. Son parler a un sens puisque chaque mot est basé sur une expérience. Tout ce qui met l'enfant en contact avec la réalité et autorise son expérience lui apporte l'intelligence des choses, éloigne sa peur et lui apprend la prudence. Ce qui est retransmis à ce moment touche des couches du psychisme enfantin beaucoup plus profondément que ne font les concepts. L’abstraction viendra en son temps après 7 ans, lorsqu’il sera mur. Sinon on pourra chercher des explications à l’origine des désintérêts scolaires ou autre dans sa soi-disant précocité. De multiples questions de la part des enfants vont surgir tout au long de ces semaines de découverte autour des plantations. Nous nous efforçons d’y répondre et ce n’est pas toujours simple. Il y a une étrangeté dans le monde, qui se reflète dans l’art ou la poésie et aussi dans la curiosité des enfants. Oui, les enfants sont tout particulièrement sollicités par le mystère du vivant. Peut-être que l’enfant ne demande-t-il tout simplement que nous les partagions avec lui… Laissons-nous questionner par lui, laissons-nous questionner par le vivant que l’enfant nous rappelle, laissons-nous continuer à nous humaniser par lui et avec lui. Cette conférence a aussi été faite à Marseille le 13 mars 2015. Elle fut suivie par celle de Sevim Riedinger (Le monde secret de l'enfant-voir: "les chroniques"). Le titre en était: "Quelle est la place de l'imaginaire et du sacré dans le processus de maturation psychique du jeune enfant." . Quelques commentaires sur la conférence : > Je viens de lire aussi les 3 autres conférences que tu m'as envoyé > ça fait du bien de lire autre chose que le jargon de l'université, la métaphore et la poésie sont de puissants de leviers de prise de conscience que tu offres généreusement avec un talent que je n'ai pas mais que j'apprécie prrofondément depuis longtemps parce que tu restes toujours les deux pieds sur terre et ce n'est pas donné à tout le monde ce type d'écriture, il faut en avoir emagasiné de la sagesse pour arriver à toucher ciel et terre en même et transmettre une idée de l'enfance au plus proche de ce la nature nous offre sur terre avec autrui . C'est fabuleux d'avoir la chance de lire ce niveau de conscience avec une légèreté qui traverse l'âme. Pour moi l'enfant créateur c'est profondément la manière dont tu en parles c'est à dire créateur malgré lui parce qu'attentif et joueur avec tout ce qui lui est offert naturellement dans une joie contagieuse pourvu que nous sachions le regarder et pour cela on a besoin d'éclaireur, et bien pour moi tu fais partie profondément de ceux là et tu ne triches pas. > Sincèrement Merci pour tous ces partages > Véronique Fanfant - Responsable petite enfance - IRT Autres commentaires publié par : http://www.ensemblenaturellement-leblog.com/archives/2015/02/26/31600845.html |