dehors-dedans, le bruit, l'oppression
Suite du rapport De Valérie Roy
LE BRUIT DANS LES ESPACES INTÉRIEUR
Anna, responsable infirmière précise : « Regarde là par exemple durant l’entretien, c’est ce que j’entends tout le temps, ils jouent, ils lancent des choses, c’est donc usant. C’est ce qui me fatigue le plus au quotidien le bruit. Ici, c’est particulièrement mal isolé…Elle va plus loin en ajoutant : « Parce que le bruit impacte la concentration, il y a une fatigue nerveuse en fait qui est latente. C’est à cela qu’il faut vraiment faire attention car finalement, il ne faut pas s’habituer forcément au bruit. Il ne faut pas l’accepter. Il y en a qui disent : je n’ai pas le choix. Moi, je n’accepte pas, moi cela me fatigue très clairement. »
Le thème du bruit est souligné au travers de cette recherche, toutes les professionnelles soulèvent cette problématique.
Anna parle même de l’état des enfants : « Il y a un gros travail phonétique à réaliser sur les structures petite enfance. Parce qu’en plus, dans ce milieu où il y a une usure professionnelle très importante, où il y a une fatigue nerveuse énorme, il ne faut pas s’habituer au bruit que ce soit pour nous, et que ce soit pour les enfants. Car c’est usant pour eux aussi…. Anna : Il y a certains enfants, on le voit sur leur faciès, plus le niveau sonore augmente, plus l’angoisse augmente ».
Charlotte, la directrice infirmière ajoute « Quand on est dehors, le cri des enfants est moins difficile à supporter. Il est plus évaporé… Pour travailler huit heures de suite avec une 15ène d’enfants, il faut gérer le temps sinon c’est insupportable ».
Alicia, responsable éducatrice en plein air, explique : « Ce qui est très différent dans une structure fermée, quand un enfant commence à pleurer, ce n’est pas évident, parce qu’en fonction de comment c’est structuré, comment on le met dans une pièce... tout de suite cela résonne, tout de suite on a mal à la tête, tout de suite il y a beaucoup plus de bruits en confinement »
Ce point est également soulevé par Corinne, l’éducatrice en plein air : « Je pense qu’il y a le niveau sonore qui est compliqué à gérer parce qu’à l’extérieur les enfants ils peuvent crier, peuvent chanter fort, ils peuvent courir, au niveau sonore ce n’est pas dérangeant et je pense qu’à l’intérieur, même si on a le souhait de laisser les enfants s’exprimer de cette façon-là, cela devient fatiguant, on va de ce fait les restreindre dans leur jeu, dans leur expression. »
Le bruit semble un élément banal mais peut vite devenir un perturbateur important en structure petite enfance. Les enfants sont nombreux. Quand un enfant pleure, le cri de sa voix emplit complètement l’espace. Pour peu que la structure soit mal insonorisée, cela devient vite difficile à supporter comme en témoigne les professionnelles interrogées.
Certaines professionnelles de la petite enfance développent des surdités avec les années. Dehors les données changent. Le bruit des enfants se perd dans l’environnement. De ce fait, les enfants se sentent mieux et peuvent crier s’ils le souhaitent et rigoler à plein poumon. Ils peuvent libérer davantage leur énergie.
J’ai constaté que dans les espaces fermés, le bruit émis par le groupe d’enfants … provoque de mauvaises interprétations du langage qu’expriment les enfants avec leurs corps d’autant plus s’ils ne parlent pas. Le problème de l’insonorisation des salles entraîne une interférence dans l’espace, et agresse les professionnelles qui par fatigue, finissent par ne plus déceler, correctement les signes manifestés par les enfants. Dans l’observation du Lundi 6 Février 2017, des petites filles de 2 ans et demi (3), jouent dans la salle de vie, elles sont contentes de se retrouver. Leur voix porte et agresse les professionnelles. Elles leur demandent de s’asseoir. Mais elles ont juste envie de partager un moment fraternel joyeux, positif un peu énergique. Ce n’est pas vraiment de l’excitation mais plus une joie intense.
LE BRUIT DANS LES ESPACES INTÉRIEUR
Anna, responsable infirmière précise : « Regarde là par exemple durant l’entretien, c’est ce que j’entends tout le temps, ils jouent, ils lancent des choses, c’est donc usant. C’est ce qui me fatigue le plus au quotidien le bruit. Ici, c’est particulièrement mal isolé…Elle va plus loin en ajoutant : « Parce que le bruit impacte la concentration, il y a une fatigue nerveuse en fait qui est latente. C’est à cela qu’il faut vraiment faire attention car finalement, il ne faut pas s’habituer forcément au bruit. Il ne faut pas l’accepter. Il y en a qui disent : je n’ai pas le choix. Moi, je n’accepte pas, moi cela me fatigue très clairement. »
Le thème du bruit est souligné au travers de cette recherche, toutes les professionnelles soulèvent cette problématique.
Anna parle même de l’état des enfants : « Il y a un gros travail phonétique à réaliser sur les structures petite enfance. Parce qu’en plus, dans ce milieu où il y a une usure professionnelle très importante, où il y a une fatigue nerveuse énorme, il ne faut pas s’habituer au bruit que ce soit pour nous, et que ce soit pour les enfants. Car c’est usant pour eux aussi…. Anna : Il y a certains enfants, on le voit sur leur faciès, plus le niveau sonore augmente, plus l’angoisse augmente ».
Charlotte, la directrice infirmière ajoute « Quand on est dehors, le cri des enfants est moins difficile à supporter. Il est plus évaporé… Pour travailler huit heures de suite avec une 15ène d’enfants, il faut gérer le temps sinon c’est insupportable ».
Alicia, responsable éducatrice en plein air, explique : « Ce qui est très différent dans une structure fermée, quand un enfant commence à pleurer, ce n’est pas évident, parce qu’en fonction de comment c’est structuré, comment on le met dans une pièce... tout de suite cela résonne, tout de suite on a mal à la tête, tout de suite il y a beaucoup plus de bruits en confinement »
Ce point est également soulevé par Corinne, l’éducatrice en plein air : « Je pense qu’il y a le niveau sonore qui est compliqué à gérer parce qu’à l’extérieur les enfants ils peuvent crier, peuvent chanter fort, ils peuvent courir, au niveau sonore ce n’est pas dérangeant et je pense qu’à l’intérieur, même si on a le souhait de laisser les enfants s’exprimer de cette façon-là, cela devient fatiguant, on va de ce fait les restreindre dans leur jeu, dans leur expression. »
Le bruit semble un élément banal mais peut vite devenir un perturbateur important en structure petite enfance. Les enfants sont nombreux. Quand un enfant pleure, le cri de sa voix emplit complètement l’espace. Pour peu que la structure soit mal insonorisée, cela devient vite difficile à supporter comme en témoigne les professionnelles interrogées.
Certaines professionnelles de la petite enfance développent des surdités avec les années. Dehors les données changent. Le bruit des enfants se perd dans l’environnement. De ce fait, les enfants se sentent mieux et peuvent crier s’ils le souhaitent et rigoler à plein poumon. Ils peuvent libérer davantage leur énergie.
J’ai constaté que dans les espaces fermés, le bruit émis par le groupe d’enfants … provoque de mauvaises interprétations du langage qu’expriment les enfants avec leurs corps d’autant plus s’ils ne parlent pas. Le problème de l’insonorisation des salles entraîne une interférence dans l’espace, et agresse les professionnelles qui par fatigue, finissent par ne plus déceler, correctement les signes manifestés par les enfants. Dans l’observation du Lundi 6 Février 2017, des petites filles de 2 ans et demi (3), jouent dans la salle de vie, elles sont contentes de se retrouver. Leur voix porte et agresse les professionnelles. Elles leur demandent de s’asseoir. Mais elles ont juste envie de partager un moment fraternel joyeux, positif un peu énergique. Ce n’est pas vraiment de l’excitation mais plus une joie intense.
l'oppression et la relation au corps
« La professionnelle énonce plus d’interdit dedans que dehors. Il semble que les craintes soient plus fortes, dedans que dehors, pourtant l’enfant monte moins haut que sur la structure motrice extérieure.
Benjamin, trois ans grimpe sur un petit rebord près des matelas. L’enfant a besoin de grimper par nature. Et dedans, à part la partie motrice matelas que nous installons, il n’y a pas grand-chose, juste quelques rebords. »
Au fil des observations de terrain et des entretiens, quand nous sommes à l’intérieur des espaces, une proximité s’installe avec les enfants. Elle se transforme souvent, sans que ce soit toujours perceptible, en contrôle de l’enfant, de ses expressions. Les adultes sont assises sur le sol proche des enfants. Tout dépend ensuite de l’espace intérieur mais c’est souvent le cas.
Le corps des enfants devient de plus en plus le centre de la surveillance et de la réglementation (Foucault, 1995)[1]
Ce besoin de contrôle est également, d’une autre façon, soulevé par Corinne, l’éducatrice, durant son entretien : « avant quand j’étais dans les crèches, je me posais et les enfants, ils venaient, vers moi, parce qu’ils cherchaient quelque chose, un contact, une relation envahissante. C’était un peu compliqué à gérer ces demandes-là. Du fait que l’aménagement n’était pas adapté non plus ».
Il y a comme un contrôle excessif mis en place, entravant quelque part la liberté émotionnelle des enfants. Nous cherchons à être dans le laisser faire au niveau des attitudes professionnelles, mais parfois nous dévions vers le faire faire.
Quelque part, l’espace extérieur met en lumière l’évidence de l’oppression institutionnelle exercée par les professionnelles sur les jeunes enfants au travers de leur geste, des limites imposées, du cadre parfois mal adapté. « L’architecture, les jouets, les décorations, le matériel dit « éducatif », sont des éléments qui peuvent, s’ils ne sont pas réfléchis, favoriser l’apparition de douces violences ».[1] Christine Schultz soulève le fait que de nombreuses fois, c’est l’adulte qui impose les choix des jouets à l’intérieur des structures petite enfance et qui va intervenir régulièrement pour tenter de ne pas laisser les enfants s’exprimer trop librement.
Cette oppression prend naissance très tôt finalement dès l’entrée en halte-garderie ne serait-ce que par le choix des espaces, soit trop petits ou trop grands, soit par des attitudes professionnelles engendrant des pratiques professionnelles pédagogiques axées sur le contrôle de l’enfant…Il est donc difficile de se libérer de ses habitus, tant ils peuvent apparaître comme naturels. La situation d’oppression déshumanise aussi bien les dominants que les dominés. Elle repose sur une injustice dont il faut se libérer. Cette injustice se maintient par la violence passive ou active. Il y a un caractère politique au niveau éducatif qui va perpétuer l’hégémonie de la classe dominante.
Ainsi le rapport au corps est de plus en plus l’objet de contrôle soulignant plus ou moins ce rapport de soumission émotionnelle, gestuelle dans lequel l’enfant doit se positionner en Occident. En effet, il s’agit même d’une anxiété qui se répand à d’autres pays occidentaux. Alicia, responsable de structure plein air, éducatrice de jeunes enfants, précise « quand on aime son métier, qu’on veut le bien des enfants, on les met dehors, on les fait sauter, on les fait bouger, on voit le soleil, on voit les avions dans le ciel, on respire les fleurs. »
Elle ajoute : « Je trouve que dans les endroits fermés, on est toujours en train de donner plein d’interdits qui vont contre le développement des enfants, leur développement qui est comme respirer au moment où ils respirent. » Dehors l’enfant peut exprimer ses émotions ; « …j’ai l’impression de voir des enfants heureux. Des enfants qui ressemblent à des enfants, qui ressemblent à des enfants. »
Elle insiste beaucoup sur ce mot. Quand elle parle de ces contraintes, elle soulève quelque part les contraintes institutionnelles, les obligations.
Bibliographie
[1] Schuhl C. (2013), Vivre en crèche, Remédier aux douces violences, Lyon Ed. Chroniques sociales, p. 29
[1] Burke R. S. et Duncan J. (2016), « Culturally contested corporeality: Regulation of the body in New Zealand and Japanese early childhood education » in Global Studies of Childhood, Vol. 6(1) 6–16, p. 7 ; DOI: 10.1177/2043610615624520 gsc.sagepub.com
Benjamin, trois ans grimpe sur un petit rebord près des matelas. L’enfant a besoin de grimper par nature. Et dedans, à part la partie motrice matelas que nous installons, il n’y a pas grand-chose, juste quelques rebords. »
Au fil des observations de terrain et des entretiens, quand nous sommes à l’intérieur des espaces, une proximité s’installe avec les enfants. Elle se transforme souvent, sans que ce soit toujours perceptible, en contrôle de l’enfant, de ses expressions. Les adultes sont assises sur le sol proche des enfants. Tout dépend ensuite de l’espace intérieur mais c’est souvent le cas.
Le corps des enfants devient de plus en plus le centre de la surveillance et de la réglementation (Foucault, 1995)[1]
Ce besoin de contrôle est également, d’une autre façon, soulevé par Corinne, l’éducatrice, durant son entretien : « avant quand j’étais dans les crèches, je me posais et les enfants, ils venaient, vers moi, parce qu’ils cherchaient quelque chose, un contact, une relation envahissante. C’était un peu compliqué à gérer ces demandes-là. Du fait que l’aménagement n’était pas adapté non plus ».
Il y a comme un contrôle excessif mis en place, entravant quelque part la liberté émotionnelle des enfants. Nous cherchons à être dans le laisser faire au niveau des attitudes professionnelles, mais parfois nous dévions vers le faire faire.
Quelque part, l’espace extérieur met en lumière l’évidence de l’oppression institutionnelle exercée par les professionnelles sur les jeunes enfants au travers de leur geste, des limites imposées, du cadre parfois mal adapté. « L’architecture, les jouets, les décorations, le matériel dit « éducatif », sont des éléments qui peuvent, s’ils ne sont pas réfléchis, favoriser l’apparition de douces violences ».[1] Christine Schultz soulève le fait que de nombreuses fois, c’est l’adulte qui impose les choix des jouets à l’intérieur des structures petite enfance et qui va intervenir régulièrement pour tenter de ne pas laisser les enfants s’exprimer trop librement.
Cette oppression prend naissance très tôt finalement dès l’entrée en halte-garderie ne serait-ce que par le choix des espaces, soit trop petits ou trop grands, soit par des attitudes professionnelles engendrant des pratiques professionnelles pédagogiques axées sur le contrôle de l’enfant…Il est donc difficile de se libérer de ses habitus, tant ils peuvent apparaître comme naturels. La situation d’oppression déshumanise aussi bien les dominants que les dominés. Elle repose sur une injustice dont il faut se libérer. Cette injustice se maintient par la violence passive ou active. Il y a un caractère politique au niveau éducatif qui va perpétuer l’hégémonie de la classe dominante.
Ainsi le rapport au corps est de plus en plus l’objet de contrôle soulignant plus ou moins ce rapport de soumission émotionnelle, gestuelle dans lequel l’enfant doit se positionner en Occident. En effet, il s’agit même d’une anxiété qui se répand à d’autres pays occidentaux. Alicia, responsable de structure plein air, éducatrice de jeunes enfants, précise « quand on aime son métier, qu’on veut le bien des enfants, on les met dehors, on les fait sauter, on les fait bouger, on voit le soleil, on voit les avions dans le ciel, on respire les fleurs. »
Elle ajoute : « Je trouve que dans les endroits fermés, on est toujours en train de donner plein d’interdits qui vont contre le développement des enfants, leur développement qui est comme respirer au moment où ils respirent. » Dehors l’enfant peut exprimer ses émotions ; « …j’ai l’impression de voir des enfants heureux. Des enfants qui ressemblent à des enfants, qui ressemblent à des enfants. »
Elle insiste beaucoup sur ce mot. Quand elle parle de ces contraintes, elle soulève quelque part les contraintes institutionnelles, les obligations.
Bibliographie
[1] Schuhl C. (2013), Vivre en crèche, Remédier aux douces violences, Lyon Ed. Chroniques sociales, p. 29
[1] Burke R. S. et Duncan J. (2016), « Culturally contested corporeality: Regulation of the body in New Zealand and Japanese early childhood education » in Global Studies of Childhood, Vol. 6(1) 6–16, p. 7 ; DOI: 10.1177/2043610615624520 gsc.sagepub.com