JANUSZ KORCZAK (HENRYK GOLDSZMIT)1878-1942
LA SUITE ...PAGE 167 DE : "LES PÉDAGOGUES DANS L'HISTOIRE" ED CHRONIQUE SOCIALE 2016 UN TEMOIGNAGE DE Jacques Dodiuk. Né en Pologne en 1920, il a vécu six ans à l’orphelinat J. Korczak. Venu en France avant la guerre, il a pu échapper au terrible destin des enfants de l’orphelinat... Avez-vous eu des nouvelles de Korczak après votre départ? ”Avant de partir pour Paris, je suis allé lui dire au revoir. Il n’était pas là, mais madame Stéfa m’a souhaité bonne chance et m’a dit: ”toi tu m’as appris beaucoup de choses.” Ca ma frappé. J’étais un garçon turbulent, je passai souvent au tribunal, je ne faisais pas partie de la crème : je m’imaginais pas apprendre quoi que ce soit à quelqu’un! Dès mon arrivée en France, j’ai envoyé une carte postale avec la tour Eiffel à Korczak et Stéfa. Mais ce n’est qu’en 1946 que j’ai appris la fin, par un livre. Lors de mon premier voyage en Pologne, quarante ans après, j’ai revu la maison. Varsovie avait été détruite à 95% et cet orphelinat, comme par miracle, était toujours debout." Devenus grands, certains ont reproché à Korczak de les avoir élevés dans l’ignorance des réalités. Qu’en pensez-vous? "A cette époque, les enfants de religion catholique et ceux de la religion juive allaient dans deux écoles différentes. Nous étions juifs mais nous nous sentions profondément polonais: pour nous, il n’y avait aucun problème. Nous allions en classe dans une école de la ville, mais sur le chemin, le dimanche*, des bandes de voyous nous jetaient des pierres. Même si ces enfants-là étaient méchants, nous étions persuadés que tous les adultes nous voulaient du bien... cela a été pour nous un handicap, bien sûr. J’ai eu quelques désillusions par la suite. A la fin de la guerre, j’étais soldat et on nous a envoyés en Allemagne pour délivrer des prisonniers. Il y avait là des Polonais. Je leur ai dit: ”Vous avez dû beaucoup souffrir, les Allemands ont tué beaucoup de Polonais?”. Le premier qui m’a répondu a dit: ”Hitler est un salaud, mais il y a une chose bien qu’il a faite: il nous débarrassé des juifs!”. Il y avait beaucoup de racisme à cette époque-là. Korczak, lui, respectait tout le monde et toutes les religions. * Le jour de congé des enfants juifs était le samedi et celui des enfants catholiques le dimanche. Texte de Janus Korczak "Les droits de l'enfant" -L'enfant a droit à l'amour (Aimez l'Enfant, pas seulement le vôtre ) -L'enfant a droit au respect ( Demandons le respect pour les yeux brillants, les fronts lisses, pour l'effort juvénile et la confiance. Pourquoi des yeux ternes, un front ridé, des cheveux gris mal coiffés ou une résignation fatiguée exigeraient-ils un plus grand respect?) , -L'enfant a droit aux conditions les meilleures pour sa croissance et son développement. (Nous demandons que soient supprimés la faim, le froid, l'humidité, les odeurs nauséabondes, le surpeuplement, la surpopulation.) -L'enfant a le droit de vivre dans le présent. (Les enfants ne sont pas les personnes de demain, ils sont des personnes aujourd'hui.) -L'enfant a le droit d'être lui-même ou elle-même. -L'enfant a le droit à l'erreur. ( Nous renonçons au désir illusoire d'avoir des enfants parfaits.) -L'enfant a le droit d'être pris au sérieux. (Qui demande son avis ou son consentement à l'enfant?) -L'enfant a le droit d'être apprécié pour ce qu'il est ( L'enfant. étant petit, a peu de valeur marchande.) -L'enfant a le droit de désirer, de réclamer, de demander. (Avec le:s années, le fossé entre les demandes des adultes et les désirs des enfants s'élargit progressivement.) -L'enfant a le droit d'avoir des secrets. ( Respectez leurs secrets.) -L'enfant a le droit à« un mensonge, une tromperie, un vol occasionnels. -L'enfant a le droit que l'on respecte ses biens et son budget. (Chacun a le droit de faire respecter sa propriété, quel qu'en soit le peu d'importance ou de valeur.) -L'enfant a le droit à l'éducation. -L'enfant a le droit de résister aux influences éducatives qui entrent en conflit avec ses croyances -L'enfant a le droit de protester contre une injustice. -L'enfant a le droit d'avoir un Tribunal des enfants où il peut juger et être jugé par ses pairs -L'enfant a le droit d'être défendu dans un système de tribunal de justice spécialisé dans l'enfance. ( L'enfant délinquant est encore un enfant... Malheureusement les souffrances engendrées par la pauvreté se propagent comme des poux : sadisme, crime, grossièreté et brutalité se nourrissent d'elle.) -L'enfant a le droit que l'on respecte son chagrin. ( Ne serait ce que pour la perte d'un caillou.) -L'enfant a le droit de converser intimement avec Dieu. -L'enfant a le droit de mourir prématurément (Le profond amour de la mère pour son enfant doit lui laisser le droit de mourir pré- maturément, d'avoir un cycle de vie de un ou deux printemps seulement... Tous les arbrisseaux ne deviennent pas des arbres.) Extrait de...Jacques Ladsous : chapitre : Les contradictions Dans « Janus Korczak ». Collection : pédagogues et pédagogies. Ed P.U.F page 89 Nous nous faisons beaucoup d'illusions en croyant que l'enfant va se contenter longtemps d'une interprétation angélique du monde où tout est simple et bon, que nous réussirons à lui cacher nos faiblesses, nos contradictions, nos échecs, notre ignorance d'une formule générale de bonheur... Pourquoi est-ce qu'on attrape les mouches avec de la glu, s'il ne faut pas faire souffrir les animaux ? Pourquoi je ne dois pas dire « Oh ! la jolie robe ! » si maman le dit lorsqu'elle en achète une ? Pourquoi nounou se signe quand elle voit un éclair et dit : « Dieu miséricordieux », alors que la maîtresse nous dit que c'est de l'électricité ? Est-ce qu'il faut respecter un voleur parce que c'est une grande personne ? Pourquoi l'oncle a dit : « Le diable le crache au cul », il ne sait pas que c'est vilain? Pourquoi « nom d'un chien » est un juron? Pourquoi maman ne croit pas aux rêves alors que la cuisinière y croit ? Pourquoi on ne doit pas demander combien a coûté le cadeau? « Est-ce que je peux ? -- Non, tu ne peux pas parce que tu es trop petit, parce que c'est vilain, parce que c'est un péché, parce que c'est comme ça... » Mais là, non plus rien n'est clair : une chose peut être tantôt défendue, tantôt permise, suivant l'humeur du moment et les circonstances. Il a envie de manger quelque chose : non, c'est mauvais pour la santé. Mais on le laissera y goûter si papa est de bonne humeur, ou s'il y a des invités... ... Nos théories éducatives ne nous expliquent pas assez qu'en dehors de l'amour de la vérité, nous devons apprendre à l'enfant à reconnaître le mensonge, qu'en dehors de l'art et de la manière d'aimer, de respecter, d'obéir, il est nécessaire de connaître l'art et la manière de haïr, de mépriser, de s'indigner, de se révolter. ... Après avoir souffert mille contraintes durant cette période d'esclavage qu'est l'enfance, devenus adultes, nous ne connaissons toujours pas la liberté : les contraintes sont toujours là, elles n'auront que changé de forme. Elevés dans l'esclavage incapables de transformer notre vie, comment saurons-nous donner la liberté à nos enfants? Il nous faudrait pour cela nous débarrasser d'abord de nos propres chaînes. D'ailleurs, il s'agit moins de supprimer les contraintes que d'expliquer pourquoi elles existent pourquoi la vie en société exige que chacun modère ses désirs et ses envies cl obéisse à des règles. « Etudie, respecte, croit sur parole ! -- Je ne veux pas, s'insurge l'enfant du fond de son âme ». Toi, tu te contrains à insister, parce que l'homme contemporain ne vit pas dans les bois mais dans une société. Tu le dois, sinon c'est l'anarchie. Plus tu mettras de douceur à venir à bout de leur entêtement, mieux cela vaudra ; plus rapidement, plus fermement tu le feras, et moins douloureusement sera ressentie cette discipline que tu dois maintenir, ce minimum d'ordre qui est indispensable. Malheur à toi si, trop indulgent, tu n'y parviens pas. Seuls quelques enfants exceptionnels peuvent se développer normalement, en dépit du relâchement des règles et des défaillances de l'organisation ; des dizaines d'autres souffriront d'abandon. Bibliographie - Berger L; Korczak, un homme, un symbole; Magnard; pédagogie Magnard; 1989 - Buhler A.;”L’adieu aux enfants”; ed. Olivier Orban; Paris; 1978 - Houssaye J.;Janusz Korczak," l'amour des droits de l'enfant"; Hachette; éducation -portraits d'éducateurs -para universitaire - Ladsous J.; "Korczak"; P.U.F. coll. "Pédagogues et pédagogie"; Paris ; 1995 - Lifton B. J.; "J. Korczak, le roi des enfants"; Presse pocket; Paris; 1991 - Korczak J. ; "Le droit de l'enfant au respect ?"; Robert Laffont; Paris; 1998 - Korczak J. ; le roi Mathias 1er, ; Gallimard jeunesse - Korczak J. ; journal du ghetto; Robert Laffont -nouvelles - Korczak J. ; comment aimer un enfant / le droit de l'enfant au respect; Robert Laffont -psychologie - psychanalyse -Korczak J. ;"le roi Mathias 1er " Gallimard Sites : http://korczak.fr/ site de l'association française de Janusz Korczak qui édite aussi un bulletin de liaison, on peut y lire "Le roi Mathias 1°", en ligne, les actualités de l'association... tel: 01 44 24 90 00 |