L' ALIMENTATION
Une qualité de l'existence
Les différentes situations qui concernent l’alimentation ne mettent pas seulement en cause notre survie mais aussi une certaine qualité de l’existence.Nous n’y jouons pas seulement notre bien être physiologique mais aussi notre affectivité, notre vie relationnelle, notre culture. Si, demander à un enfant de bien se tenir à table est une façon de l’introduire dans la civilisation de ses parents, il n’est pas inutile de nous rappeler que nous avons mangé avec nos doigts jusqu’à ce qu’à ce que Catherine de Médicis importe la fourchette. Cela nous fera peut-être accepter au moins momentanément que certains enfants en fasse autant. Il n’est pas inintéressant de noter qu’au temps de nos ancêtres les gaulois, la place à table était l’enjeu d’un certain rapport de force. Mais aussi n’est-il pas indispensable avant d’inventer l’architecture d’un établissement accueillant des enfants de se rappeler que dans la plupart des civilisations, la cuisine est au coeur de l’habitation. Pourquoi ne pas nous souvenir que lorsque nous étions enfants et même et surtout adolescents, la première chose que nous faisions en revenant de l’école était d’aller au frigidaire pour choisir notre goûter Que ces quelques rappels sur les différentes dimensions de l’alimentation nous servent à réfléchir, à comprendre et à agir de façon appropriée avec les enfants qui sont en institution. En effet l’approche des enfants provoque un retour au sens fondamental de ces situations. Afin que ces dernières ne devienne pas automatiques et machinales et que chacun puisse y être acteur il est indispensable de commencer par savoir ce qu’elles représentent pour chacun d’entre nous, leur place dans notre vie, comment et pourquoi nous les avons organisées pour nous même, leur logique, leur fonctionnement dans toutes leurs dimensions: physique, psychologique, sociologique, historique et ainsi donner une signification à chacun des détails qui les composent. Peut-on faire vivre aux autres des situations dont nous ne tentons pas de connaître les composantes de l’intérieur” ? C’est ainsi que nous allons nous parler de la faim et la satiété, l’odorat et le goût, de l’art culinaire, du symbole des aliments, des comportements alimentaires et du repas. La faim et la satiété La faim est une réaction métabolique qui provoque une sensation désagréable due à la diminution du sucre dans le sang et dans les neurones. L'image du “creux à l'estomac” est fausse car les gens qui n'ont pas d'estomac le ressentent aussi. C'est la première des passions. C'est elle qui anime le nourrisson et le pousse vers le sein de sa mère. On retrouve dans la situation alimentaire: le corps, le monde et le temps. C'est à dire, le système de régulation de l'information donné au cerveau par le corps, l'environnement, les horaires qui marquent notre vie. Cette dernière est marquée par des alternances de vide et de satiété. Connaît-on vraiment la faim? La vraie faim ne se manifeste qu'après plusieurs jours de privation de nourriture et l'homme mange qu’exceptionnellement pour y répondre. La vue des mets provoque l'insuline. On est attiré par ce dont nous avons besoin, car si on nous injecte du sucre dans le sang on a pas envie d'en manger. Les sentiments de satiété règlent la quantité. Il y a proportion entre le volume du repas et la durée de l'intervalle qui fait suite, contrairement à ce qu'on croit qui est que l'on mange par rapport à une compensation. Ce n'est pas parce qu'on est resté longtemps sans manger que le repas que l'on fera après sera un repas abondant. La quantité de nourriture détermine l'intervalle suivant. L'organisme anticipe sur l'absorption future et prévoit leur ingestion On ne brûle pas les graisses de la même manière le jour que la nuit. Ce qui fait par exemple, que lorsque nous prenons un petit déjeuner on mange pour trois heures, un repas de midi on mange pour 4 ou 5 heures, pour le soir on doit dîner pour toute la nuit. Mais la nuit on consomme moins. Donc la journée française n'est pas si mal organisée que cela. La grosseur des français est normale, contrairement à certains peuples où on observe beaucoup d'obésité. Quand on mange c'est par prévision. Donc il faut avoir la notion du temps. Ainsi la bouche est l'office prévisionnel de nos besoins. Pourquoi nous arrêtons de manger lorsqu'on ressent la satiété même si c'est bon?. C'est dans la bouche que se fait l'anticipation. Mais cette anticipation se fait grâce à l'odorat, car c'est lui qui régule. Il y a corrélation entre le sommeil et la satiété." Qui dort dîne" est faux. Il vaudrait mieux dire :"qui dîne dort" car nous avons besoin de nous nourrir pour la nuit où le cerveau est en pleine activité et a surtout besoin de sucre. On a du mal à dormir si on a faim, celle ci nous réveille. C'est la même substance qui intervient dans le sommeil et la satiété: la sérotonine. L’art culinaire "L'art de la cuisinière consiste à faire ressortir les odeurs, flatter le palais par une consistance agréable en laissant l'olfaction prendre son acuité et à présenter les aliments de façon diversifiée pour qu'ils soient plus saturants." Brillât Savarin « La physiologie du goût » Seul l’être humain cuisine. C'est une activité intermédiaire entre la nature et la culture, démarche culturelle par excellence. La différence entre “mijoter” et “saisir”, entre “pocher” et faire “bouillir” dévoilent une certaine recherche. Toute socialisation de la nourriture s'exprimerait dans ce cadre. Il y a aussi différentes façons de garder, de pourrir, de griller, de fumer et de fermenter pour les boissons. Un aliment est bon parce qu'il fait cesser la faim, flatte la sensibilité buccale, suggère un état d'âme. Par sa dimension nutritionnelle il nourrit le corps, apporte des calories. Il y a nécessité d’un équilibre d’apports pour grandir et s’entretenir. C’est le garant d’une bonne santé. Par exemple on ne soupçonne pas l’importance de l’équilibre du sucre dans notre organisme. Certains aliments procurent la force, stimulent l'idéation, la confiance en sois comme le café et le thé. Les viandes donnent du tonus émotif, sont prioritaires en ville, ont une action dynamique. Le lait procure un tonus émotif faible. Parait-il qu’on en boit plus dans les pays où les loisirs, les voyages, la radio, le logement occupent une place importante. Les légumes et les fruits sont rafraîchissants, ils procurent un besoin de plénitude. Nous avons déjà vu sa dimension sensorielle. L’alimentation est liée à la recherche du plaisir des sens, de la bouche, de l’olfaction. Nous rappelons l’importance de la vue qui stimule attire, entraîne l’appétit, une émotion et rend les substances désirables. Le toucher buccal est plus ou moins flatté par la consistance, la chaleur. L’impression générale de satiété, de sensations viscérales générales, digestives nous font choisir tel ou tel aliment. On est attiré par un aliment parce qu'on en connaît la couleur, l'odeur, le goût, les effets digestifs, Il doit être désiré, donc importance de la présentation mais aussi, de sa connaissance et du souvenir que l’on en a. Devant un plat bien présenté et qui sent bon, les sucs sont secrétés par les glandes. La digestion est déjà amorcée. Le contact buccal renforce. Ceci pour les aliments que le consommateur désire et aime. Devant un plat acide ou très relevé la salivation est fluide, abondante devant un plat solide et consistant. Il n'y a pas de sécrétion pour les aliments introduits directement dans l'estomac. Donc la présentation est importante, mais dans nos habitudes alimentaires y a des habitudes entre la couleur et le goût: la menthe est verte et le jambon est rose, alors que la vraie couleur de la menthe pressurisée est blanchâtre, et les vrais jambons non traité sont gris. On imagine les difficultés pour les personnes qui ont perdu leur sensibilité gustative ou alimentées par sondes. C’est ici que se situe le soin pour la présentation des régimes. Tout est possible dans les comportements alimentaires et la démarche serait essentiellement culturelle, quoiqu’on ne puisse nier une part physiologique et évidemment psychologique. Par exemple l’attirance pour le lait n’est pas immuable. Certains pays n’en boivent jamais. Lorsqu’on a envoyé du lait en poudre dans certains pays pour les aider ils s’en sont servit comme lessive, ou comme laxatif, certains l’on jeté. Il y aurait au moment du sevrage la perte chez certaines personnes d’un enzyme, la lactase, que les enfants ont, qui leur permet de digérer le lait. Dans certaines régions du globe des peuples entiers ne boivent pas de lait. Le symbole des aliments -D'après Lévis Strauss il y a trois états de la nourriture: le cru, le cuit, le pourri, et dans le cuit il y a le: rôti et le bouilli. Le rôti est identifié à la masculinité, ainsi que les steaks bien épais et la nourriture bouillie ou cuite à la vapeur, destinée aux femmes et aux enfants, comme les salades ou des bouillons légers...La nourriture bouillie serait plus proche de la culture puisqu’elle doit être mise dans l’eau et dans un récipient... Il y a des liens entre certains goûts et certaines saveurs et différentes situations: Le sucré représente la douceur et le calme. Voir le gâteau du mariage, de communion, d'anniversaire. Les dragées lors des baptêmes. Par exemple pour faire un cadeau ou pour faire une récompense on donnera plutôt du sucré. L'amer exprime la souffrance; l'acide, la méchanceté; le sel, la nuance et l'amour. En plus des plats salés et sucrés il y a les humides et secs les froids et chauds, qui font l’équilibre des repas. Par exemple le jaune d’oeuf est chaud et le blanc et froid, il faut équilibrer les deux; la pomme de terre qui pousse dans la terre dans l’obscurité est froide. Chez les Chinois les aliments ont la dimension du Yin et Yang. Quand ils sont plus ou moins excitants ils sont yang et les aliments fades sont yin. Il y a des aliments sacrés, profanes, interdits, dangereux, tabous. Le pain est le fruit du travail. C'est pourquoi au moment du sevrage de l'enfant dans la société traditionnelle française on lui présente de la bouillie de pain qui est significatif de son entrés dans sa société. Symbole de la fertilité il est lié à la sexualité. C’est probablement l’aliment qui est le plus chargé de signification symbolique. Le gibier à plumes et à poils au moyen âge est signe de richesse. Par exemple le vin et le sang sont souvent mêlés "il donne la force" et accompagne les souhaits. Au cours des repas des mariages où l’on “consomme “ ou des funérailles où on "mange le mort" Il y a une dimension alchimique, magique de la cuisine. Les épices rares ont un statut important sont aussi associées à la magie. Au cours des fêtes, qui sont un jour exceptionnel il y a des aliments exceptionnels, il y a aussi les aliments du dimanche. Ce peut -être un signe de pouvoir social et rivalité où celui qui invite montre tout ce qu’il peut donner, c’est pour certaines sociétés la possibilité de montrer qu’on peut compter les uns sur les autres. Par rapport à la dimension relationnelle et existentielle l’attitude devant la nourriture reflète son envie de vivre ou sa dose d’anxiété; manger apaise l’angoisse, se remplir, se vider, relève la notion que l’on a de son corps intérieur et extérieur, du temps, de l’espace. L’origine de l’attitude devant l’alimentation remonte dans la petite enfance. Le comportement repose ici sur des mobiles pour la plupart inconscients. Certains avalent, d’autres mangent avec des petits morceaux, lentement et n’en finissent pas par rapport à ceux qui ne doivent rester à table et les attendre... Ce qui est joué dans l’alimentation relève du don et de la réception avec interaction, réajustement, connaissance réciproque. Concerne aussi les premières frustrations avec les premières satisfactions, harmonie, contre temps. Ne serait-ce pas la première activité élaborée? Il y a une dimension phantasmatique on y retrouve la dévoration, l’appropriation, l’assimilation. C’est ainsi que l’alimentation est en relation avec le désir de connaissances. Dans l’alimentation la relation de pouvoir peut-être très importante. Entre celui qui donne et celui qui reçoit...Il y a, en plus de la nourriture, de l’affection, de l’amour et quand la nourriture est refusée tout ce qui compose la relation paraît remise en cause. L’implication n’est pas anodine.... Suivant les différents styles de repas la place de celui, ou plus fréquemment, celle qui a fait la cuisine est plus ou moins importante. C’est en général la mère qui crée les souvenirs familiaux ou ceux de l’enfance. Il y aurait actuellement d’autres attitudes devant la nourriture à cause du travail de la femme, on rechercherait d’autres émotions. Son pouvoir peut-être plus ou moins envahissant. Au cours du repas les aliments préparés laissent t-ils la place à l’échange? La maîtresse de maison attend t-elle qu’on fasse honneur à sa nourriture? ou est-il possible de parler d’autre chose? L’oublie t- on? On peut avoir envie de remplir l’autre pour qu’il se taise. On ne peut parler la bouche pleine. Il y a une sorte de concurrence entre l’alimentation et la communication ...Il est difficile de ne pas penser ici à certaines attitudes conscientes ou pas qui soutendent le désir de voir manger les résidents d’une institution. L’importance donnée à l’alimentation, à sa qualité, ne pourrait-elle pas être une façon de désirer que le concerné se taise? Le repas La succession des plats a certaines justifications: L'apéritif sert à déconnecter de la vie trépidante. Les hors d'oeuvres stimulent la curiosité, la variété, la surprise. Tout particulièrement pour cette partie le coloris est important. Ils provoquent un choc chimique, par un goût piquant et frais. Ils éveillent le goût et l'odorat. Le potage est une préparation pour le plat de résistance, surtout pour les viandes bouillies, céréales ou légumes secs qui provoquent moins de sécrétions. Le dessert sucré offre une nouvelle stimulation, une nouvelle palatabilité. La dimension sociale des différentes formules des repas L'acte alimentaire est intimement lié à la vie collective, suscite un épanouissement commun, il y a une dimension de communion. Ne dit on pas que le co-pain est celui avec qui on partage le pain. On ne se met pas à coté de n'importe qui pour manger. Les places à table sont importantes. Le fait d’avoir partagé le même lait donne les mêmes liens que celui de frère et soeur. Un cocktail peut être suffisant avec certaines personnes avec qui on ne veut pas avoir des relations trop suivies. Par contre présenter un apéritif et ensuite un repas sera donné à des personnes que l’on veut tout particulièrement honorer. Le repas froid sous entend une certaine intimité, pris en plein air la relation amicale est poussée assez loin, mais est moins respectueuse. Sortir les aliments de son jardin est un don d’une autre dimension que ce que l’on a acheté au super marché. Les habitudes à table sont multiples et significatives sur le plan relationnel et social. Par exemple dans le milieu rural le rite d’entrée du repas était fait par le maître de maison qui ouvrait son couteau et pour la fin le fermait. Par ailleurs, au cours d’un repas se servir soi- même comme en famille ou attendre que la nourriture soit apportée dans l’assiette comme au restaurant, la formule du self service ou du buffet, peuvent être significatif de l’autonomie que l’on octroi aux convives pour éventuellement leur permettre d’échanger avec qui ils veulent. La forme de la table; ronde, ovale, ou rectangulaire où l’on on mange assis, debout, couché. Les places à table sont-elles attribuées selon le code strict? En Gaule le personnage le plus important s'assied au centre et les autres convives autour par ordre décroissant de mérite. Le repas est l'occasion de mesurer sa force dans le groupe. Se sert-on avec ses doigts? Quelle est la présentation dans les plats les mets sont-ils découpés ou pas? Sa serviette et son rond font-ils partie de son territoire dans l’attribution d’une place réservée comme dans les restaurants où l’on est “un habitué”? Au XIV ième siècle Il n'y a pas de couverts individuels. On partage son écuelle avec son voisin. Pour boire on appelle un serviteur qui apporte un verre plein et on lui rend après. Avant le vins circulait dans une coupe unique. Le festin est-il un spectacle que l'hôte donne à ses invités? Le repas est-il solitaire, intime ou communautaire? Quelle est l’emplacement de la cuisine dans la maison, sa proximité ou son éloignement du lieu où l’on s’alimente? Ces quelques approches de différentes dimensions du repas, incomplètes évidemment, montrent la richesse, la complexité de cette situation. Leurs diverses significations peuvent varier d’une région à l’autre, d’une génération à l’autre et peuvent être aussi circonstancielles. Les pic nics, les repas de fêtes, d’anniversaire ou autres formules qui interrompent le rythme institutionnel provoquent pour les résidents dans les institutions des expériences supplémentaires, de même que quelque sortie au restaurant où il est fréquent que l’on observe des changements de comportement positif. Mais il est important aussi de tenter redonner encore plus de sens au repas plus habituel où la richesse peut aussi être très importante. CONCLUSIONS Que ce soit au niveau affectif et social, intellectuel et culturel, il apparaît que pratiquement toutes les dimensions de la vie sont dans cette succession d’actes. Leur diversité exprime une multiplicité de modes de communication qui laisse penser: Ne pourrait-on pas tout apprendre par l’alimentation? :
https://youtu.be/bwVPRhgpVT4 |