LES CRÈCHES
Créations Déjà en 1801 Mme de Pastoret avait ouvert une crèche pour douze enfants dont les mères travaillaient. L'oeuvre ne dura pas, on garda ces enfants jusqu'à les mettre en apprentissage sans en reprendre d’autres. L'institution -crèche naît le 14 novembre 1844 grâce à des dons. Elle fut créée par Firmin Marbeau, adjoint au maire du premier arrondissement de Paris, qui veut combler la lacune entre les soins donnés aux mères après les couches et les salles d'asile. Cinq crèches sont ouvertes à Paris en 1845 et par la suite d'autres en province. Elles sont destinées essentiellement aux enfants d'ouvriers. Elles assurent ainsi le repos des parents, évitent à la mère d'abandonner son travail ou de confier son enfant à une nourrice ou à une grande sœur. Elles sont conçues aussi pour la prévention de l'infanticide et des avortements. Cette organisation est contestée comme le furent les salles d'asile, sous prétexte que cela sépare l'enfant de sa mère et que le regroupement des enfants est dangereux. La loi Roussel, du 23 décembre 1874, instaure la surveillance nationale des enfants placés en nourrice De nombreuses formules vont se créer. Il existe des refuges et asiles pour femmes enceintes, des consultations pour la mère et l’enfant et des dispensaires, des « gouttes de lait », des centres sociaux, des jardins d’enfants et des écoles maternelles et des garderies. On y met en pratique les progrès techniques d’hygiène pour les mères et les nourrissons. On s’adresse en priorité aux classes populaires : ouvriers, employés, commerçants, domestiques. Buts des crèches Soins aux enfants contre le rachitisme et l'idiotisme. Il faut aussi entourer l'enfant de l'affection qu'il n'a pas en nourrice, exercer sur sa mère et sur lui une influence bienfaisante. Par l'enfant on atteint donc la mère on lui donne des conseils, une aide matérielle. C’est aussi montrer que la société est bonne. Les créateurs ne veulent pas être comparés à ceux qui se servent du peuple pour prendre le pouvoir. On pense à cette époque que l’éducation populaire est l'antidote des révolutions. C'est aussi une façon de ne pas exacerber les rapports entre les époux car la mère sera plus disponible. C'est une façon de se faire rencontrer les différentes classes sociales entre les dames patronnesses et les enfants pauvres. Il s'agit d'annuler la lutte des classes. Il y a donc un projet social et éducatif et politique en plus des soins à donner aux enfants. Sur le plan économique, on demande 20 centimes par jour, c'est à dire 4 frs par mois, alors qu'une nourrice demandait 12 à 20 frs. C'est une manière de faire gagner de l’argent aux ouvriers. Les crèches sont fermées aux enfants illégitimes, mais si les parents acceptent de se marier on fournit la tenue de mariage et on accepte l’enfant. Elles sont ouvertes aux enfants malades. Pour les enfants de moins de deux semaines jusque trois ans La mère vient allaiter son enfant deux fois dans la journée, pas plus, pour qu’elle puisse travailler. C’est un sujet de contestation car cela encourage l'allaitement artificiel. On pratique ainsi l'allaitement mixte. Le mode de nourriture variait d'une crèche à l'autre. Suivant son age l'enfant reste dans son berceau ou il est mit dans une sorte de grand parc. Cela dépend des crèches, quelques fois on sort les enfants sur une terrasse. Ils retournent dans leur famille le soir. En 1897 paraît un arrêté ministériel sur le règlement des crèches: IL y a des berceuses qui surveillent les enfants qui dorment, d'autres qui surveillent les enfants qui jouent. On ne dort pas dans la même salle que celle où ont joue. A son arrivée l'enfant est entièrement déshabillé. (Ceci existait encore en 1970 dans certaines crèches) Il y a 6 « berceuses » pour 80 enfants 1 pour le sommeil 2 pour les jeux 1 pour la toilette 1 pour le repas 1 pour la lingerie Le personnel est féminin âgé de 20 ans, a un certificat d'aptitude signé par deux dames notables, le curé ou le pasteur ou une lettre d'obédience. La crèche est visitée tous les jours par un médecin. Dans le conseil d'administration il y a un comité des dames, le curé et le pasteur. L'inspection se fait par les dames et les fondateurs La crèche est ouverte de 5 heures à 20 heures 30 Le préfet donne l'autorisation d'ouverture et de fermeture. Est fermée dimanches et fêtes. L'aménagement des crèches se réfère au milieu hospitalier; notamment au niveau architectural. Mais plus tard cela va dépendre de l'architecte qui va donner de l'importance soit à l'hygiène soit au plaisir ou à l'esthétique. . Un règlement détermine la dimension des pièces, les soins d'hygiène. Chaque enfant a ses affaires personnelles, est lavé sitôt souillé, l'usage des biberons à tube est interdit, car il permet de ne pas sortir l'enfant de son lit. Un médecin a la direction du service. La première femme médecin en France: Madeleine Brès ouvre une crèche dans une vieille maison aménagée, elle y donna des cours de puériculture En 1866 il existait 85 crèches en France, on peut évaluer à 3000 ou 4000 places en tout. En 1902 il existait 408 crèches Les découvertes de Louis Pasteur imposent la nécessité de l’hygiène. Ce sont des oeuvres de Bienfaisance qui font appel aux subventions de l'Etat certaines dépendent des municipalités d'autres des usines, sont rattachées à une salle d'asile ou à une maison de secours Cela dépendait du logement, de la responsable, du médecin qui était bénévole. La mortalité aussi était variable. "C'était un progrès relatif" fut-il déclaré en 1869 dans un rapport de médecin. On a pu noter que les enfants ne restaient pas longtemps, pourquoi? Apparemment les parents préféraient les maisons de sevrage moins contrôlées, qui ne relevaient pas de la sollicitude publique. De plus c'était la seule solution pour les mères célibataires. De nombreuses Sociétés de charité maternelle se multiplient. Elles donnent des secours aux jeunes accouchées, font des visites à domicile. Des industriels fondent des aides aussi pour les jeunes accouchées, dans l'Est de la France et dans le Nord. Les femmes ont droit à un salaire pendant qu'elles gardent leur enfant. On crée des chambres d’allaitement. Vers 1891 création de" La goutte de lait" institution précurseur de la P.M.I. par un médecin: Pierre Budin. Il avait été frappé par le fait qu'il revoyait les mères après l'accouchement pour s'entendre dire que l'enfant était mort. Il a donc décidé de créer une suite. On surveille les enfants sur le plan médical, on donne des conseils aux mères. En 1900 on crée L’œuvre philanthropique du lait, avec une fabrication de lait en conserve. Au XXième siècle les crèches ont un règlement de plus en plus strict par rapport à l'hygiène. Les pouponnières s'alignent. Elles sont créées pour les enfants assistés. Plus tard pendant la guerre de 1914 elles furent ouvertes pour les enfants des femmes qui travaillaient la nuit dans les usines. Entre 1876 et 1906 le nombre de crèches a triplé. A partir de 1877 on commence à créer des petites crèches, plus nombreuses et plus disséminées. On désire que les crèches soient des "écoles pour les mères". En 1936 on compte 544 crèches en France. Elles prennent alors une place très positive. Les médecins s'y intéressent de plus en plus. De nombreuses personnes font des dons. De l’hygiène à l’éducation.[1] Un nouveau regard sur le tout-petit justifie le travail éducatif en crèche Cet ensemble de directives sur les bonnes pratiques est très banal pour nous aujourd’hui, mais il était absolument d’avant-garde au début du XXe siècle. Dès les années 1920, Mélanie Klein a bouleversé la conception du nourrisson en le présentant comme un être doté d’emblée d’une vie affective et fantasmatique. Dans les années 1940, Anna Freud et D. Burlingham ont observé les conséquences des séparations et des traumatismes de la guerre, sur les bébés. Un peu plus tard, René Spitz a réalisé à son tour une série d’observations dont il fait part dans ses écrits. Dans les années 1950 de nouvelles théories ont influencé les pratiques en crèche, comme la connaissance psychanalytique de l’enfant dès son plus jeune âge. John Bowlby a montré que le besoin d’attachement est inné et primaire chez l’homme et cette idée contribue à la prise de conscience de l’importance pour les bébés des conditions environnementales. Les crèches sont passées d'un objectif typiquement social, de garde pour s'orienter plus vers la protection de la santé de l'enfant, par la suite l'éducation, a pris de la place entre autre avec le jeu. Déjà en 1890 comme pour les écoles maternelles on y parle du plaisir des enfants. Ce sont surtout les médecins qui préconisent l'apport des jouets dans les crèches. Avec Geneviève Appell et Myriam David psychologues et pédiatre, et aussi avec Brunet Lézine, sont publiées les découvertes des caractéristiques du bébé, de sa souffrance, de sa globalité. Ce n’est plus un tube digestif ! L’approche psychosomatique du petit ses précise : ses maladies peuvent avoir une origine psychologique Les crèches « entre jeu et interdiction de bercer » On conseille de traiter l’enfant avec la plus grande douceur possible, de le laisser dormir et jouer en prenant garde à sa sécurité et celle des autres enfants. On doit même être attentif à ce que nous appelons aujourd’hui la socialisation des enfants : on fait attention à placer les enfants à côté de ceux avec qui ils s’accordent le mieux. Les pratiques dans les hôpitaux et dans les institutions accueillant de jeunes enfants se modifient à partir de ces théories dans lesquelles l’enfant est pris en considération dans son développement propre et entraînent les transformations et des progrès dans l’accueil de la petite enfance que l’on observe à la fin des années 1960. Les pratiques d’hygiène ne priment plus autant sur la perception de l’enfant. On commence à porter davantage d’attention aux besoins des jeunes enfants et à s’engager petit à petit vers une meilleure compréhension de leur comportement. Mais à cette époque il y a encore du travail à faire pour faire passer l’éducation du tout petit. Un nouveau regard sur la maternité et la place de la femme L’histoire de la profession peut aussi s’interpréter à la lumière de l’histoire des femmes et de la maternité en France. Yvonne Knibiehler[2] a montré quelles transformations importantes de la société française ont entraîné une nouvelle condition féminine et de nouvelles attentes des femmes et des familles au regard des modes de garde, car au temps du baby-boom, on élevait encore les filles en vue de la maternité. Depuis les années 1970, on les prépare surtout à gagner leur vie. C’est un changement radical : la maternité n’est plus au centre de l’identité féminine. Est-ce à dire que l’enfant compte moins aux yeux de la mère ? La réponse est non, au contraire, il compte de plus en plus ! Ce paradoxe indique pourquoi la jeune femme a besoin d’aide : il faut qu’elle construise sa vie, coincée entre deux mythes, celui de l’enfant-roi, celui de la super woman. Travailler reste culpabilisant pour les mères. Il existe une certaine méfiance à l’égard de la « socialisation collective » que représentent les crèches et autres modes de garde. Et l’enfant pendant ce temps ? Depuis les années 1970, une autre évolution s’est produite en matière de connaissance des jeunes enfants. On s’intéresse de plus en plus aux enfants de moins de trois ans. Ce mouvement d’idées a pénétré de nombreuses institutions et s’est concrétisé dans ce que l’on appellera « l’opération pouponnières » et que nous prenons ici pour exemple. Car ce travail de longue haleine, étendu sur vingt ans, montre bien la dynamique nécessaire pour que des idées, en l’occurrence celle du respect de l’enfant, trouvent leur expression dans les pratiques. Il est aussi le reflet de l’implication volontaire et concomitante de différents partenaires : le ministère, les responsables administratifs départementaux, des médecins et psychologues, les gens de terrains, professionnels de la petite enfance, de la prévention et de la protection de l’enfance. C’est par un enrichissement mutuel entre tous qu’ont pu s’améliorer l’accueil des tout-petits et la prise en compte de leurs parents dans une fonction préventive. Années 1980 Grâce à des personnes comme Janine Lévy et Danielle Rappoport qui ont mené une recherche-action à la pouponnière Saint-Vincent-de-Paul ou Myriam David et Geneviève Appell avec la parution de leur ouvrage sur la pouponnière de Budapest, Loczy ou le maternage insolite, tout le secteur professionnel de la Une profession en perpétuelle évolution petite enfance a progressivement transformé ses pratiques d’accueil. Leurs travaux ont entraîné le début de l’opération pouponnière, après qu’ait été fait le constat de la persistance de graves carences affectives dans la plupart des pouponnières en France. D’autres figures et théories traversent le secteur de la petite enfance et influent sur les pratiques : D. W. Winnicott parle de la mère « suffisamment bonne » et de l’espace transitionnel entre la mère et l’environnement d’accueil de l’enfant. F. Dolto vulgarise ses découvertes ; Tout est langage montre la fonction symbolique du langage et l’importance du « parler vrai ». M. Lebovici interprète les interactions précoces et souligne la place qu’y prend le bébé. T. Brazelton confirme cette vision du bébé en mettant en lumière les compétences du nouveau-né. Pendant que l’on cherche à enrayer la pénurie des modes de garde en finançant de nouveaux établissements et en dotant les assistantes maternelles d’un statut (1977), tout un mouvement se préoccupe de la qualité de vie des tout petits et s’inquiète de leurs conditions d’accueil. La garde « au noir » par des nourrices non agréées ou par des voisines ou grands-parents a pris de l’ampleur. Faire garder ses enfants devient une véritable difficulté pour les femmes qui travaillent et l’on constate que peu d’enfants sont gardés dans des conditions satisfaisantes. Il existe alors une grande richesse des inventions pour La cause des enfants et des courants de pensée du moment. Par exemple, un journal spécialisé paraît. Enfant d’abord est une création du Groupe d’action et de recherche pour la petite enfance (GRAPE) constitué d’éducateurs, psychologues et psychanalystes. Ils militent pour le développement de la fonction de prévention précoce réalisée par les institutions d’accueil des jeunes enfants. La description de leurs activités est remarquable. Il leur faut tirer la sonnette des députés et des sénateurs pour qu’un statut professionnel des nourrices soit voté, convaincre les journaux de sensibiliser le grand public à la cause des citoyens de moins de trois ans, organiser des journées d’études avec des professionnels. Le GRAPE réalise un film, Les quarante heures du tout-petit, et anime des débats provoquant une prise de conscience dans les principales villes. Cet organisme réunit les Etats généraux de la petite enfance avec un cahier de doléances sur la non-prise en compte de la petite enfance, crée un service téléphonique, « Allô petite enfance », à visée préventive. des modes de garde1 touche particulièrement les zones rurales dépeuplées, les initiatives individuelles et associatives produisent des formules variées adaptées aux besoins : crèches parentales, garderies, haltes-jeux et autres structures itinérantes2 se développeront durant ces vingt années. Par ailleurs, les jardins d’enfants et l’enseignement privé diminuent d’importance. Les crèches continuent de se transformer, mais restent en nombre assez restreint. Du fait du manque de places pour faire garder les enfants, l’école maternelle connaît une augmentation importante de ses effectifs et un abaissement de l’âge d’entrée en petite section, surtout dans les villes. Les crèches familiales, réunissant dans un même service des nourrices agréées, sont en plus grand nombre que précédemment, mais les EJE y font une entrée assez lente, essentiellement pour l’accueil collectif des enfants les plus âgés, sous forme de halte-jeux ou de jardin d’enfants. Des associations voient le jour l’ACEPP (Association Collectifs Enfants-Parents qui œuvre pour la promotion des établissements à gestion parentale), le GRAPE (Groupe de recherche et d’action pour la petite enfance), la Fédération des centres sociaux. Tous ces organismes participent activement à la reconnaissance de la fonction préventive des établissements de la petite enfance. Il est question de favoriser le renforcement de la concertation entre les différents acteurs et équipements publics et privés pour élaborer des projets cohérents sur un quartier donné. C’est ce qui garantirait « la continuité dans l’espace et le temps, si nécessaire au développement de l’enfant ». Préparer l’entrée à l’école maternelle en lien avec les familles, se faire partie prenante des dispositifs de zones prioritaires d’éducation, de développement social des quartiers. Un double souci motive la démarche : faire prendre en compte les besoins des petits enfants et susciter l’utilisation des services par les familles. Déjà en 1989, on cherche à soutenir des lieux d’accueil parents-enfants, des passerelles avec l’école maternelle avant 3 ans, des formules souples évitant le placement des enfants dans les cas de familles en difficulté. Références bibliographiques Chaplain D-L, De la “gardeuse” aux professionnelles de l’accueil, savoir inné, savoir savant, savoir intégré.", Modes de garde, modes d'accueil, quelle évolution? -Informations sociales n° 103-2002- Catherine Rollet-Echalier, "La politique à l'égard de la petite enfance sous la troisième République", Travaux et documents, cahier n° 127. INED 1990. - Rollet C. "A l'origine des crèches". . In "journal des professionnels de l'enfance" -Le dictionnaire de F. Buisson 1910 p.430: http://www.inrp.fr/edition-electronique/lodel/dictionnaire-ferdinand-buisson/document.php?id=2488 - Lefèbvre C, De la garde à la coéducation, une mise en perspective des évolutions réglementaires -Modes de garde, modes d'accueil, quelle évolution?, Informations sociales n° 103-2002 Voir l’important travail de Catherine Bouve sur les crèches, entre histoire et actualité : - L’utopie des crèches françaises au xixe siècle : un pari sur l’enfant pauvre. Essai socio-historique, Berne : Peter Lang, 2010, - Les crèches collectives : usagers et représentations sociales - Contribution à une sociologie de la petite enfance, L'Harmattan, 2003.- Confier son enfant, l'univers des assistantes maternelles, Autrement 2011 - Quel curriculum pour un accueil de qualité de la petite enfance ? Erès 2009 [1] La suite s’inspire de l’ouvrage Les enjeux du métier d’éducateurs de jeunes enfants. Auzou D. et Moussy B. ESF 2015 [2] Yvonne Knibiehler, La révolution maternelle depuis 1945, femmes, maternité, citoyenneté, Perrin, 1997. |