CELESTIN FREINET 1896-1966
Page 176 de: LES PÉDAGOGUES DANS L'HISTOIRE ed. Chronique sociale TEXTE: "NE VOUS LÂCHEZ JAMAIS DES MAINS...SI LA CONNAISSANCE.".. "Les dits de Mathieu" page 85 Si nous ne réussissons pas, psychologiquement ou pédagogiquement, c'est que nous faisons de faussés manoeuvres, comme l'apprenti d'auto-école qui tourne à droite au lieu de braquer à gauche et monte sur le trottoir interdit, ou qui, la nuit, jette le plein phare sur l'auto d'en face, alors qu'il voulait déclencher les veilleuses. Ce sont ces fausses manœuvres que nous nous appliquons à détecter, même si nous ne trouvons pas d'emblée les solutions salutaires. Voir juste, déblayer les routes, éviter les ravins et les impasses, c'est déjà une petite, ou une grande victoire quand on s'aventure dans les zones si mal explorées de la conduite des enfants et des hommes. Fausse manœuvre sur la connaissance. On vous a enseigné que c'est comme un grain de sable qu'on ajoute à un grain de sable, une page qu'on tourne après une autre page, une pierre qu'on pose sur une autre pierre. Et si la connaissance n'était peut-être qu'une vibration impondérable qui, comme l'électricité, se transmet instantanément et n'en est pas moins susceptible de modifier la consistance et les réactions de la matière qu'elle traverse. Vous dites: Il faut expliquer rationnellement, un s'ajoutant à un pour faire deux, une marche venant après l'autre marche pour monter plus haut. Hélas l'on ne va jamais ni vite ni haut par un tel procédé, même s'il se dit “ scientifique ”. Dans la pratique, une lumière jaillit, un signal se déclenche, une secousse ou un choc suscite dans tout le corps des réactions qui vous agitent. Et, à l'instant, on ne sait comment ni pourquoi, une lampe témoin s'allume. Tant que la lampe ne brille pas, vous pouvez vous évertuer à monter marche à marche, à poser pierre sur pierre. Vous tâtonnez dans la nuit ... dans une halte garderie, la coccinelle ou C. Freinet« Les désirs de l’enfant » Devoir d'une étudiante : La scène se passe lors d’un après-midi dans le jardin de la section d’une halte-garderie parisienne avec des enfants entre 13 et 22 mois. Trois petits sont regroupés en face d’un mur qui délimite le jardin. Ils observent une coccinelle. L’un d’eux dit : « c’est quoi ? En plus ça bouge ! », - C’est une coccinelle et elle fait partie de la famille des insectes comme le papillon, la fourmi... -« Est-ce qu’elles volent comme le papillon ? Comment avait-elle réussi à monter sur le mur ?... ». Après le goûter nous sommes ressortis et d’autres enfants ont trouvé un papillon, j’ai pris le papillon dans ma main et je l’ai montré à tous. Après les enfants se sont mis à chercher plein d’insectes dans le jardin. Certains ont trouvés des fourmis, des araignées et d’autres des coccinelles, tous ont participé à cette recherche. Les jours suivants, à cause de la météo nous n’avons pas pu sortir dans le jardin. Mais même à l’intérieur, sans présence d’insectes les enfants continuaient de centrer leur intérêt autour. Pendant l’activité dessin, plusieurs enfants disaient « je fais une coccinelle », « moi fourmi ! », « moi je préfère les papillons ! », puis durant le chant trois autres enfants nous ont raconté comment ils avaient trouvé les araignées, les fourmis, les coccinelles... C’est en observant ces nombreuses demandes que j’ai voulu nous centrer, l’équipe et moi-même sur l’intérêt des enfants pour les insectes. En effet, si l’enfant a l’envie, le désir de comprendre, il se pose des questions et cherche lui-même les réponses en expérimentant. Cet argument est propre à Célestin Freinet qui a théorisé le « tâtonnement expérimental » qui consiste à partir des découvertes que les enfants font et des hypothèses qu’ils émettent, les amènent à développer leur capacité de chercher, d’inventer. Ils expriment leur vie, leurs rêves et leurs pensées. L’intérêt de l’enfant va être l’un des thèmes central de sa pédagogie qu’il va nommer « pédagogie active » du fait qu’il donne aux enfants la chance d’être acteurs de leurs propres apprentissages. Ses choix éducatifs vont dépendre entièrement de l’enfant. Dans son environnement naturel, l'enfant est, par nature, expérimentateur. Il procède spontanément par un tâtonnement qui évolue depuis la forme primaire par essais-erreurs au hasard vers des formes supérieures, plus élaborées, que Célestin Freinet désignait globalement par "tâtonnement expérimental", à la base de la méthode naturelle. L'expérience tâtonnée permet aux enfants d'émettre et de modifier leurs propres hypothèses conduisant à la construction de savoirs personnalisés évoluant par les différentes médiations vers les savoirs communs. En règle générale la première phase est la phase d'hypothèses. Souvent implicites, elles peuvent s'exprimer par le geste, le dessin ou verbalement et émerger. Lorsqu'une hypothèse est émise, elle est testée immédiatement par l'enfant : c'est la phase action-essai, de vérification. La réponse fournie en retour (feed-back) permet à l'enfant, si l'effet recherché est obtenu, de l'intégrer à sa structure cognitive par répétition, puis de la réinvestir et de la transférer à d'autres situations. Si l'effet recherché n'est pas obtenu, l'enfant rejette son hypothèse et peut soit abandonner pour un temps son expérience tâtonnée, soit modifier sa première hypothèse pour en élaborer une nouvelle qui donnera lieu à de nouveaux essais jusqu'à l'aboutissement. https://www.icem-pedagogie-freinet.org/le-tatonnement-experimental Au sein de ma section l’équipe met en place des thèmes selon les périodes de l’année: l’hiver, noël, pâques, le printemps, les fleurs, la plage, l’été, etc... Avec l’intérêt que les enfants portaient aux insectes, j’ai voulu créer un nouveau thème « petites bêtes ». J’ai cherché des coloriages d’insectes, ainsi que des chansons (l’araignée Gypsie, la fourmi, la coccinelle, ...), des histoires (la chenille qui fait des trous, Belle la coccinelle, ...) et des activités (création de coccinelles) avec du matériel déjà à notre disposition. Après avoir rassemblé assez d’outils pour pouvoir créer mon thème « petites bêtes » je suis allée exposer mon projet à l’ensemble de l’équipe qui a adhéré à mes initiatives. Ce thème a très vite été mis en place, les enfants ont choisi de faire ce qu’ils désiraient sur le moment : certains voulaient créer une coccinelle, d’autres voulaient lire une histoire sur la chenille, etc... Les connaissances qu’ils ont pu acquérir durant l’un de ces moments sont propres à chacun d’entre eux car ils sont partis de ce qu’ils désiraient découvrir, ils ont tous eu une expérience différente. Le but fut de mettre à disposition des moyens pour pouvoir intéresser l’enfant, en se basant sur son intérêt, pour qu’il puisse combler sa curiosité, pour qu’il puisse expérimenter et « tâtonner ». Après avoir mis ces actions en place j’ai pu observer un changement au sein du groupe d’enfants. En effet, lors du déroulement de ces journées les enfants verbalisaient plus. Certains racontaient des histoires en mettant en rôle les coccinelles qu’ils avaient faites, plusieurs enfants se posaient des questions à l’un à l’autre sur les couleurs qu’ils avaient utilisé pour colorier un papillon, etc.... J’ai trouvé que la première semaine sous ce thème « petites bêtes » a fait évoluer les enfants au niveau du langage, que ce soit entre eux, avec nous ou même avec leurs parents lors des transmissions du soir. J’ai eu l’impression que les enfants avaient développé une émotion d’appartenance, ils n’étaient plus spectateurs, la section ressemblait à une microsociété : les enfants partageaient, exploraient, découvraient, ils évoluaient encore plus par eux même. Ils sont devenus plus actifs au sein de cette collectivité. Les enfants paraissent plus impliqués et motivés dans leurs tâches, certains ont pris beaucoup plus de confiance en eux. Cependant, après avoir pris du recul, je me rends compte que mes actions se sont peut-être trop centrées sur un thème précis il aurait fallu plus d’alternatives pour les enfants qui n’étaient peut-être pas intéressés. Tous les enfants sont différents et malgré qu’une grande majorité d’enfants se soit pris d’intérêt pour ce sujet il ne faut pas oublier de proposer autre chose, de ne pas rester dans « l’obligation » de traiter un sujet. « C'est l'enfant lui-même qui doit s'éduquer, s'élever avec le concours des adultes. Nous déplaçons l'acte éducatif : le centre de l'école n'est plus le maître mais l'enfant. » Célestin Freinet Malecot Laura étudiante EJE Bibliographie
LES INVARIANTS PEDAGOGIQUES Tels que définis par C. Freinet en 1964 Chaque ligne est un petit trésor... Invariant n°1 L'enfant est de la même nature que l'adulte. Invariant n° 2 Etre plus grand ne signifie pas forcément être au-dessus des autres. Invariant n° 3 Le comportement scolaire d'un enfant est fonction de son état physiologique, organique et constitutionnel. Invariant n° 4 Nul - l'enfant pas plus que l'adulte - n'aime être commandé d'autorité. Invariant n° 5 Nul n'aime s'aligner, parce que s'aligner, c'est obéir passivement à un ordre extérieur. Invariant n° 6 Nul n'aime se voir contraint à faire un certain travail, même si ce travail ne lui déplaît pas particulièrement. C'est la contrainte qui est paralysante. Invariant n° 7 Chacun aime choisir son travail, même si ce choix n'est pas avantageux. Invariant n° 8 Nul n'aime tourner à vide, agir en robot, c'est-à-dire faire des actes, se plier à des pensées qui sont inscrites dans des mécaniques auxquelles il ne participe pas. Invariant n° 9 Il nous faut motiver le travail. Invariant n° 10 Plus de scolastique. Invariant10 bis Tout individu veut réussir. L'échec est inhibiteur, destructeur de l'allant et de l'enthousiasme. Invariant10 ter Ce n'est pas le jeu qui est naturel à l'enfant, mais le travail. Invariant n° 11 La voie normale de l'acquisition n'est nullement l'observation, l'explication et la démonstration, processus essentiel de l'Ecole, mais le Tâtonnement expérimental, démarche naturelle et universelle. Invariant n° 12 La mémoire, dont l'Ecole fait tant de cas, n'est valable et précieuse que lorsqu'elle est vraiment au service de la vie. Invariant n° 13 Les acquisitions ne se font pas comme l'on croit parfois, par l'étude des règles et des lois, mais par l'expérience. Etudier d'abord ces règles et ces lois, en français, en art, en mathématiques, en sciences, c'est placer la charrue devant les boeufs. Invariant n° 14 L'intelligence n'est pas, comme l'enseigne la scolastique, une faculté spécifique fonctionnant comme en circuit fermé, indépendamment des autres éléments vitaux de l'individu. Invariant n° 15 L'Ecole ne cultive qu'une forme abstraite d'intelligence, qui agit, hors de la réalité vivante, par le truchement de mots et d'idées fixées par la mémoire. Invariant n° 16 L'enfant n'aime pas écouter une leçon ex cathedra. Invariant n° 17 L'enfant ne se fatigue pas à faire un travail qui est dans la ligne de sa vie, qui lui est pour ainsi dire fonctionnel. Invariant n° 18 Personne, ni enfant ni adulte, n'aime le contrôle et la sanction qui sont toujours considérés comme une atteinte à sa dignité, surtout lorsqu'ils s'exercent en public. Invariant n° 19 Les notes et les classements sont toujours une erreur. Invariant n° 20 Parlez le moins possible. Invariant n° 21 L'enfant n'aime pas le travail de troupeau auquel l'individu doit se plier comme un robot. Il aime le travail individuel ou le travail d'équipe au sein d'une communauté coopérative. Invariant n° 22 L'ordre et la discipline sont nécessaires en classe. Invariant n° 23 Les punitions sont toujours une erreur. Elles sont humiliantes pour tous et n'aboutissent jamais au but recherché. Elles sont tout au plus un pis-aller. Invariant n° 24 La vie nouvelle de l'Ecole suppose la coopération scolaire, c'est-à-dire la gestion par les usagers, l'éducateur compris, de la vie et du travail scolaire. Invariant n° 25 La surcharge des classes est toujours une erreur pédagogique. Invariant n° 26 La conception actuelle des grands ensembles scolaires aboutit à l'anonymat des maîtres et des élèves; elle est, de ce fait, toujours une erreur et une entrave. Invariant n° 27 On prépare la démocratie de demain par la démocratie à l'Ecole. Un régime autoritaire à l'Ecole ne saurait être formateur de citoyens démocrates. Invariant n° 28 On ne peut éduquer que dans la dignité. Respecter les enfants, ceux-ci devant respecter leurs maîtres est une des premières conditions de la rénovation de l'Ecole. Invariant n° 29 L'opposition de la réaction pédagogique, élément de la réaction sociale et politique est aussi un invariant avec lequel nous aurons, hélas! à compter sans que nous puissions nous-mêmes l'éviter ou le corriger. Invariant n° 30 Il y a un invariant aussi qui justifie tous nos tâtonnements et authentifie notre action: c'est l'optimiste espoir en la vie. http://www.icem-pedagogie-freinet.org/node/2952 Par Catherine Chabrun le 03/12/09 Bibliothèque de l'Ecole moderne n° 25 Bibliographie - Collectif; "La pédagogie Freinet", Erès - Freinet. C.; Ed. : Le Seuil; Genre : nouvelles; Date de Parution : 30/09/1992; 736 pages - Freinet. C.; "Essai de psychologie sensible t1"; ed : Delachaux et Niestlé; genre : psychologie; 13/05/1993 - Freinet. C.; la méthode naturelle t2; Editeur(s) ; Delachaux et Niestlé; Genre : santé - vie familiale enfants; 03/07/1996; - Freinet. C.; "les dits de Matthieu" ed. Delachaux et Niestlé, 1978 - Freinet. C.; "L'éducation du travail"; ed. Delachaux et Niestlé, 1946; 1969 - Freinet. C.; "Pour l'école du peuple"; Maspero; - Freinet. C.; "L'école moderne française, guide pratique pour l'organisation matérielle, technique et pédagogique de l'Ecole Populaire"; éditions Ophrys; Gap - Freinet E.; "L'école Freinet, réserve d'enfants"; Maspero; 1979 - Freinet E.; "La naissance d'une pédagogie populaire"; Maspero; 1974 - Giroit A. et Poslaniec Ch.; "Une journée à l’école Freinet" , ed. Retz du Centre de la promotion de la lecture ; - Houssaye J.; sous la direction de "Quinze pédagogues, leur influence aujourd'hui" Armand Colin; 1994; pages 212 à 226 - Lobrot M; "La pédagogie institutionnelle" - Meirieu Ph.; "Célestin Freinet , comment susciter le désir d'apprendre?"; PEMF :Editeur(s) : Publications de l'Ecole Moderne Française; 2001 ; 48 pages - Peyronie H.; "Freinet 70 ans après"; Presses Universitaires de Caen- sciences sociales - Piaton G.; "La pensée pédagogique de Célestin Freinet" ;Toulouse; Privat;1974 <iframe src="https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=590febc1-8339-4ce0-adad-179c7564dc22" width="481" frameborder="0" scrolling="no" height="137"></iframe> <iframe src="https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=590febc1-8339-4ce0-adad-179c7564dc22" width="481" frameborder="0" scrolling="no" height="137"></iframe> <iframe src="https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=590febc1-8339-4ce0-adad-179c7564dc22" width="481" frameborder="0" scrolling="no" height="137"></iframe> Bibliographie Emmanuel Saint-Fuscien, historien, chercheur à l'EHESS, Célestin Freinet : un pédagogue en guerres : 1914-1945Perrin, 2017 Sites : http://hmenf.free.fr/ Site de l’Education Nouvelle http://www.icem-pedagogie-freinet.org/recherche/adultes-archives/results/taxonomy%3A1838 |