L’actualité de la profession d’Educateurs de Jeunes Enfants a de quoi être préoccupante. Les politiques des entreprises de crèches assimilent l’éducation des enfants avec celle utilisée dans une entreprise d’élevage de poulet[1]. De nombreuses professionnelles[2] s’arrêtent de travailler pour cause de burn out. A moins que, toujours dans la recherche d’un moindre coût ou pour satisfaire une situation qui n’a pas été anticipée à temps, on propose de recruter des personnes sans diplôme ou à moindre niveau professionnel. L’expérience d’une mère de famille pourrait paraît-il servir aussi de compétence ! Alors qu’il s’agit de prendre soin à la fois de cinq bébés ou faire l’éducation de huit enfants dits « non marcheurs » sur des journées de douze heures. | Où va-t-on trouver le temps d’échanger en équipe, d’accueillir et écouter les parents tandis que la directrice doit passer du temps à faire le calcul de l’occupation des sols ? Actuellement, certaines étudiantes ne paraissent pas vouloir se mettre à la hauteur des enfants pour en prendre soin. leur premier objectif est de devenir directrice et de passer du temps à gérer la crèche. |
Ce n’est pas la première fois qu’une situation difficile se présente dans l’histoire de la profession. C’est pourquoi je viens ici apporter un peu d’espoir et rappeler certains faits.
Lorsque que je suis sortie de ma formation au début des années 1960, je fus recrutée par le directeur d’ un centre de rééducation motrice avec ces termes :« Vous les jardinières d’enfants, vous savez faire passer l’enfant avant tout et en particulier avant le handicap.» J’ai dû ensuite m’insérer dans une équipe d’ergothérapeutes. Comment ai-je fait pour conserver mes valeurs si ce n’est qu’en les partageant avec mes collègues, en échangeant avec elles et en les écoutant ? C’est ainsi que j’ai parlé de l’enfant. Et de pédagogie.
Je me suis servie de ce que j’avais appris en formation: observer l’enfant, celui qui est là devant et avec moi et qui m’entraine dans une relation unique. C’est alors que nous nous réajustons en fonction de notre observation. Cette écoute, ce regard dans un temps et un espace donné est une des bases de notre métier. Les cours de psychologie nous apportaient des bases. La pédagogie, son histoire et ses pédagogues étaient enseignés, travaillés en groupes et transmis sous forme d’exposés. Je me souviens de la frise qui déroulait l’histoire de l’éducation autour tour de la classe, Nous nous imprégnions alors d’une certaine conception de l’enfant acteur de son développement, de son intérêt pour son environnement, de l’importance de l’expérience, de la communication des enfants entre eux.
Tout ceci nous amène à le respecter.
Des disciplines plus artistiques et même la fabrication de matériel complétaient le programme ainsi que les contes et la littérature enfantine.
Nous avions acquis des outils et une façon de les utiliser, créatrice et adaptée à chaque enfant.
Durant les années de cette même décennie des ouvertures de poste de jardinière d’enfants se sont déployé. Le secteur du handicap, moteur ou intellectuel s’est ouvert, mais aussi dans les services de pédiatrie où le jeu fut reconnu comme permettant une meilleure guérison chez les enfants. La profession fut aussi demandée dans le secteur social.
L’Association des Centre de Formation des Educateurs de Jeunes Enfants s’est adaptée aux petits afin que les EJE puissent avoir leur place dans les crèche et autres institutions pour petits. C’est ainsi que deux diplômes adjoints sont créés. « Jardinière de petits » et de « Jardinière éducatrice spécialisée […}. Ce dernier diplôme sera intégré dans la convention collective de 1966 et plus tard homologué avec celui d’éducateur spécialisé. En juin 1973 les J.E. spécialisées peuvent se présenter au diplôme d'éducateur spécialisé et peuvent accéder au poste de directrice à partir de 1989[3].
Plus tard et après le diplôme d’Etat en 1973, des institutions comme les ludothèques, les bibliothèques pour enfants , mais aussi les prisons pour femmes ont ouvert des postes d’EJE. Dans les accueils de mamans célibataires ou les jeunes femmes droguées, les EJE s’occupaient des enfants ou aidaient les mamans à assumer leur responsabilité.
Les programmes de formation se sont ouvert à des disciplines plus sociales, comme la parentalité, la gestion des équipes, la relation avec les instituions gestionnaires.
Les associations professionnelles, les syndicats, les centres de formations, ont créé des groupes de réflexion, des rendez-vous, des échanges. Des EJE se sont mises à publier.
Des formules d’évolutions de carrières se sont créés.
Actuellement la relation avec les parents s’est de plus en plus organisée. Des EJE créent, font des propositions auprès d’institutions ou de groupes de parents. La culture et la découverte de la nature sont les supports d’éducation[4]. Le rapport de Sophie Maripopulos sert de base de réflexion à la création d’ateliers de musique, de modelage, de yoga…[5]
La situation n’a rien d’idéal ? Evidemment.
Mais je crois qu’il ne faut pas s’isoler et pour cela la FNEJE et les syndicats offrent régulièrement des opportunités de rencontres. D’autres dialogues moins formels avec l’une ou l’autre collègue peuvent être constructifs. On peut aussi avoir l’humilité de savoir partir à temps d’un situation destructive afin de garder le mieux possible…
L’enfant au cœur du métier.
[1] Voir : https://silapedagogie.weebly.com/speacutecial-eje/a-messieurs-dames-les-gestionnaires-de-la-politique-de-la-petite-enfance-en-france
[2] Nous emploierons ici le féminin vu que la majorité des EJE est féminine tout en reconnaissant l’importance de la place des hommes dans les EPE.
[3] Voir https://lesprosdelapetiteenfance.fr/formation-droits/fiches-metiers/educateur-de-jeunes-enfants/comment-est-ne-le-metier-deje-qui-va-feter-ses-50-ans
[4] Voir : https://silapedagogie.weebly.com/la-culture-et-lenfant-creacuteateur.html
Et https://silapedagogie.weebly.com/la-culture.html
[5] Par exemple les ateliers d'Astrid