Petite enfance en plein air de valerie roy
des jeux en plein air, de cooperation,
LE VOYAGE ET LA PULSION VIATORIQUE Cette recherche met en lumière combien les jeunes enfants s’amusent à voyager dans l’espace extérieur de la structure. Chose assez étonnante ou pas, ils sont pris par une frénésie du voyage ! a suivre page 74 de : Petite enfance en plein air, Valérie Roy , ed chronique sociale LE JEU DEHORS ET SON RAPPORT AU SACRÉ Il y a un rapport entre le jeu et le sacré. L’enfant élabore quelque chose de particulier au travers de ses jeux, ce qui est soulevé par Véronique Diez, « …L’origine de la plupart des jeux que nous connaissons se trouve dans des cérémonies anciennes et sacrées, dans des rites et des pratiques divinatoires. Ainsi, comme l’explique Giorgio Agamben, la ronde était un ancien rite matrimonial ; les jeux de hasard viennent de pratiques oraculaires, la toupie et le damier étaient à l’origine des instruments divinatoires. »[1] Tandis que le rite transforme des évènements en structure, le jeu, lui, change les structures en évènements. Ce qui se devine au travers des jeux symboliques des plus grands. « Le jeu comme une opération de soustraction, de prise en otage du sens, de découpage du sacré, de rupture du lien signifiant/signifié, permet de libérer des diktats du mythe et du rite, lesquels deviennent des images et des paroles en action ». L’homme s’inscrit dans une langue à sa naissance, mais sa place dans cette langue doit se constituer. Le monde qui s’offre à l’enfant est un monde parlant, même au niveau du corps, ce que précise la sémiologie, « ce sont la mère et les adultes de son entourage qui lui parlent. Ce discours implique une structure qui héberge l’enfant, qui lui raconte une histoire. À partir de cet ensemble structural, l’enfant dispose de quelques restes du discours familial et avec eux, selon Freud, il pourra obéir et répéter le mythe ou bien constituer par figuration un nouvel ordre qui lui plaît »[2]. L’enfant élabore sa pensée, son langage, sa langue au travers de ses jeux. Suivant l’environnement que l’on va lui proposer, il va réagir, et construire son propre mythe ou pas suivant aussi les émotions qui le traversent. Contraindre un enfant à rester longtemps dans un espace fermé, c’est lui offrir des sensations plus restreintes. C’est peut-être restreindre aussi l’élaboration de sa pensée en construction, l’élaboration de ses mythes personnels. Dehors, l’enfant perçoit le ciel, il voit plus grand comme le souligne Charlotte, infirmière : « A l’intérieur c’est plus dur car il y a moins d’espace, quand tu es dehors, d’abord tu as le ciel qui est au-dessus de ta tête donc tu as l’impression que tu es le maître du monde. Tu vois autre chose. Tu peux te regarder un oiseau qui passe dans le ciel. Tu as un espace de liberté énorme ». Dehors, l’enfant peut de lui-même élaborer ses représentations, en toute liberté surtout s’il est en jeu libre. « Ainsi, ce développement du champ ludique apparaît comme un champ découpé du mythe où les éléments du discours des parents sont pris par une articulation propre à l’enfant. Il en découle que les effets ne seront pas les mêmes si les enfants arrivent à construire leurs propres représentations à travers le jeu que s’ils doivent répéter à la façon d’un rite les mythes des adultes. »[3] Ainsi les enfants doivent trouver dans leur environnement la possibilité d’élaborer leurs propres mythes. Offrir comme nous le faisons parfois trop d’activités aux enfants, inscrire sans arrêt les enfants dans des espaces pensés par les adultes, ne les aident peut-être pas à créer correctement leurs mythes personnels. Il y a des ruptures en espace intérieur liés aux organisations internes qui interfèrent et viennent perturber la mise en place des jeux libres. Corinne, l’éducatrice interrogée, exerçant en espace plein air, le précise : « C’est peut-être un grand mot mais il y moins de contraintes, pas de contraintes horaires, pas de contraintes de choix d’activités avec des petits groupes que l’on emmène d’une pièce à une autre. C’est vraiment eux qui vont là où ils ont envie d’aller, où ils ont besoin de jouer, d’explorer ». Dans les espaces plein air offrant un coin de nature, les enfants y vivent d’autres expériences, d’autres sensations qui approfondissent leur vision du monde mais aussi d’eux-mêmes et participent aussi à la construction d’une pensée plus profonde, plus sensible, plus vaste. [1] Diez V. (2011/2), « Le jeu chez l’enfant comme lecture et figuration d’un invisible », Recherches en psychanalyse (n°12), |
Bibliographie : [1] INGOLD T. (2014), « Culture, nature et environnement », Tracés. Revue de Sciences humaines [En ligne] URL : http://journals.openedition.org/traces/5470 ; [3] Omraam Mikhaël Aïvanhov. (1990), Les secrets du livre de la nature, Editions Prosveta, p. 33 [4] Docteur Latarjet, professeur à la faculté de médecine de Lyon, (1937), « l’éducation physique de l’enfant » dans le visage de l’enfance, Horizons de France, p. 131 [5] Potel C. (2009), « L'eau, cet élément à connaître : vivre l'eau », Le corps et l’eau. Une médiation en psychomotricité. ERES, pp. 61. [6] Besancenot J.-P. (2001), « Chapitre III. Le complexe thermo-anémométrique : le pouvoir réfrigérant de l’air », Climat et santé. Presses Universitaires de France, pp. 33-39. EMOTIONS PLUS RICHES Concernant les émotions, cette recherche démontre que dans l’espace plein air, l’expression émotionnelle est plus ample, pleinement vécue et autorisée par les professionnelles. Grâce à cette plus grande liberté de jeu, les enfants expriment plus facilement leur joie : Vendredi 17 novembre 2018 : « Nous sommes dehors, 4 professionnelles, 10 degrés, 20 enfants. J’observe un groupe d’enfants en train de jouer à la balançoire. Ils sont trois, ils ont entre deux ans et demi et trois ans. » à suivre page 78 de : Petite enfance en plein air, Valérie Roy, ed chronique sociale CONCLUSION Voici que prend fin ce voyage. Entre la notion de la nature, la pédagogie du plein air, l’histoire des écoles plein air, les différents concepts abordés durant cette recherche, le mot central de cette structure singulière semble celui de la liberté. La structure halte-garderie semi-plein air convoque les dilemmes, provoque des remises en question, oblige à s’adapter du fait de sa spécificité. à suivre page 117 de : Petite enfance en plein air, Valérie Roy LE BESOIN VITAL DE SORTIR LES ENFANTS
Durant les entretiens, notamment celui d’Anna, il est précisé combien il est vital de sortir les enfants dehors « Pour cela, il y a quelque chose de…comme un besoin. Je pense que c’est vital. On peut vivre et rester à l’extérieur, ne pas voir le jour, ne pas respirer l’air libre, je ne suis pas sure du tout que l’on puisse. Ce sont des recommandations médicales, voilà il faut aérer son intérieur, les microbes et les bactéries ». Véronique éducatrice regrette de ne pas les sortir assez, Amélie reconnaît que de sortir est un besoin naturel, indispensable. En effet, au dire des spécialistes tels que Richard Louv, un syndrome est en train d’apparaître, « le syndrome du déficit de la nature » décrit aussi par Mme Sarah Wauquiez. Les médecins commencent à être alarmés par ce manque de nature, cette rencontre avec les éléments qui ne se fait plus. Un auteur, pédiatre et médecin homéopathe, Mr Pierre Popowski, vient de sortir un ouvrage s’intitulant « Laissez-les se salir » justement pour leur santé. Il recommande même aux enfants de manger leur crotte de nez, car il y aurait des anticorps dedans essentiels au bon fonctionnement des poumons. « Il semble que le mucus nasal absorbé sous forme de crottes de nez puisse avoir une fonction importante qui contribue à l’immunité naturelle et à la protection des poumons. » Pourquoi devons-nous limiter ces contacts dès la tendre enfance, au moment où les enfants construisent justement leur système immunitaire ? Voici un autre passage intéressant : « Il est vital, nécessaire et urgent d’intégrer la nature aux programmes des écoles, dès la maternelle, et même à la crèche. C’est simple et efficace, en lien direct avec le réel : planter des arbres, avoir au moins un petit jardin voire un petit potager et s’en occuper avec les enfants. Ce petit geste pourra déjà pallier le syndrome de manque de nature dont souffrent les enfants de la nouvelle génération. Il est important que des actions soient conduites par le gouvernement, car nos enfants sont touchés par de nombreuses pathologies liées à ce déficit de nature » |
Dans l’espace extérieur, les enfants mettent en place beaucoup de jeux de coopération entre pairs (deux ou trois enfants) avec une durée plutôt longue. Ils développent leur socialisation de façon plus « secure ». à suivre page 91 de: Petite enfance en plein air, Valérie Roy, ed chronique sociale
Voici une première observation menée dans le jardin de la structure : le 10 novembre 2017 « Il y a 4 adultes dehors et ils sont 20 enfants. Le temps est doux et nuageux. Durant l’après-midi les enfants sont restés dehors. J’observe une petite fille, Lalyha, deux ans et demi, en train de jouer avec des feuilles de l’arbre. à suivre page 67 de : Petite enfance en plein air, Valérie Roy A L'INTERIEUR Un espace intérieur de 75m2 propose une alternative en cas de fortes intempéries et par grands froids. Une salle de vie de 45 m2 va permettre aux enfants de jouer en intérieur en toute sécurité dans l’attente d’un redoux. Les toilettes sont à l’intérieur de la structure, au niveau de la salle de change donnant sur la salle de vie. Une grande baie vitrée offre un accès visible sur le jardin afin d’observer l’évolution des saisons. La structure n’a pas de vis-à-vis. En face, une crèche collective municipale et une crèche familiale encerclent le jardin. Seul le repas et la sieste ont lieu à l’intérieur de l’établissement pour les enfants en journée complète. La salle de vie est modulable. En tirant un rideau, on divise la salle en deux et un espace dortoir est créé sur la partie verte où dix enfants font la sieste dans de petits lits individuels. Huit professionnelles de la petite enfance y travaillent : deux éducatrices de jeunes enfants, deux auxiliaires de jeunes enfants et des caps petite enfance avec un agent de service. Cette halte-garderie accueille 26 enfants le matin et l’après-midi et 10 en journée complète. Cette structure s’inscrit dans l’éveil à la nature et propose différents ateliers le matin et l’après-midi. Rien n’est imposé, tout est proposé. Des jeux en libre-service, sont à disposition des enfants. Des thèmes en lien avec la nature sont proposés. ADULTES ET ENFANTS EN PLEIN AIR Les échanges entre les professionnelles et les enfants Voici une observation : Le lundi 29 Janvier 2018 : « Nous sommes sortis aujourd’hui toute la journée. Nous étions dehors ce matin et il faisait un peu froid. J’étais bien couverte. Les enfants étaient 20. Nous étions 5 professionnelles. Nous démarrons l’accueil. Aucun enfant pleure dehors durant l’accueil du matin. à suivre page 96 de : Petite enfance en plein air, Valérie Roy L’EFFET DES ÉLÉMENTS NATURELS SUR LES PROFESSIONNELLES à suivre page 91 de : Petite enfance en plein air, Valérie Roy DU POINT DE VUE DES ENFANTS Les enfants ressentent l’action des éléments sur leurs peaux comme le souligne certains de leurs commentaires. « Le lundi 16 avril 2018, Je suis sur le terrain au niveau du goûter, les enfants ne sont pas nombreux. Ils sont 22 et nous sommes 4. Je suis à une table et je pose la question à l’enfant, une petite fille de plus de 3 ans, je lui demande si elle aime être dehors, elle me répond : « Oui parce que le vent souffle dehors ». « Le Lundi 14 mai, Nous sommes 4 professionnelles, un groupe de 25 enfants dans le jardin, nous sommes le matin, il est 11h. Il fait bon dans le jardin. Je m’approche en fin de matinée d’une fille de trois ans et je lui demande pourquoi elle aime se trouver dans le jardin. Elle me répond : « parce qu’il y a le soleil. » L’enfant éprouve le besoin d’être aussi en contact avec les éléments naturels, pourquoi les en priver ? LIBRES SONT LES ENFANTS EN PLEIN AIR dehors les enfants sont plus libres. Cette notion « de liberté » est évoquée à la fois dans les propos des professionnelles interrogées mais aussi dans ceux des parents et des enfants. Véronique précise durant son entretien « on se permet plus de chose à l’extérieur. C’est au niveau de la liberté ». Anna, l’infirmière, responsable de la halte-garderie à Paris, ajoute « Moi ce que j’ai pu observer, c’est que les professionnelles cela leur fait du bien, les enfants aussi, d’évoluer à l’air libre. Je ne sais pas, j’ai l’impression que cela les libère ». Elle ajoute plus loin dans l’entretien : « A l’intérieur, je suis plus nerveuse alors que dehors c’est normal qu’ils crient. C’est l’espace où ils peuvent être libres ». Il y aussi Carole qui est du même avis, infirmière et responsable de sa structure depuis plus de 20 ans : « Quand tu es à l’extérieur, tu as un espace de liberté ». Il y aurait un lien entre l’espace extérieur et la liberté. Que ce soit Alicia « Il y a plus de liberté », La maman Russe, Tatiana « Ici, ils courent, ils jouent plus que dans des structures fermées » et Jessica « C’est important pour nous que nos filles se dépensent librement,.. », « Je voyais les enfants s’amuser librement, cela m’a fait envie pour la mienne », cet élément est souligné. L’espace plein air favorise le sentiment de liberté. La liberté du jeu plein air peu surveillé est favorable à l’enfant. Cette liberté de jeu propice en plein air va développer des compétences particulières, créatives, permet à l’imaginaire de s’épanouir. « De nombreuses recherches*, dans le monde entier, soulignent le rôle essentiel d’un contact direct avec la nature pour le jeune enfant, avec des bienfaits importants et durables sur la motricité globale et fine, ainsi que sur la sensorialité. »[1] L’enfant en jouant librement dehors devient pleinement créatif. Sa pensée se construit plus librement. Ce terme de liberté est souvent évoqué par les pédagogues, que ce soit Fröbel, Maria Montessori, Freinet, Pestalozzi, Comenius. « L’enfant doit agir librement sous l’impulsion de sa propre volonté. »[2] précise Fröbel. Maria Montessori, insiste sur la liberté de l’enfant dans son développement. Elle donne à ce mot un sens profond. Elle parle de le libérer de certaines entraves qui l’empêchent de se développer normalement. Maria Montessori est pour la libération des énergies vitales cachées. Il faut donc prévoir une libération par un développement qui se veut adapté dans la mise en place d’un environnement favorable à l’enfant. « La véritable éducation nouvelle consiste à aller tout d’abord à la découverte de l’enfant et à réaliser sa libération »[3] |